Avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées du 4 juin 2020 sur le projet de décret pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété
Contexte
Ce projet de décret vient en application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété. Les dispositions de cette ordonnance permettent aux copropriétaires qui le souhaitent de réaliser, à leurs frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des parties communes de leur l’immeuble. Les modalités d’application de cette mesure sont précisées par l’article 13 de ce projet de décret soumis à l’examen du CNCPH.
Objectif du projet
Le projet de décret précise que :
Le copropriétaire qui souhaite réaliser des travaux d’accessibilité dans la partie commune de son immeuble doit notifier au syndic, en vue de l’assemblée générale, un descriptif détaillé des travaux envisagés, la nature, l’implantation, la durée et les conditions d’exécution des travaux, ainsi que les éléments essentiels de l’équipement ou de l’ouvrage, tels que les marques, modèles, notices, garanties et documents relatifs à l’utilisation et à l’entretien. Il est assorti d’un plan technique d’intervention, et, le cas échéant, d’un schéma de raccordement électrique. Il peut également comprendre tous éléments nécessaires à la compréhension des travaux prévus, notamment des documents graphiques ou photographiques.
A défaut de notification par le copropriétaire au syndic de ce descriptif détaillé des travaux, le point d’information n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
À la suite de la saisine du copropriétaire, le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de la même assemblée générale :
– le point d’information relatif aux travaux d’accessibilité ;
– la question de l’opposition éventuelle à la réalisation de ces travaux par décision motivée de l’assemblée générale.
En l’absence d’opposition motivée de l’assemblée générale, le copropriétaire peut faire réaliser les travaux conformément au descriptif détaillé présenté à l’assemblée générale. Sauf urgence justifiée, l’exécution de ces travaux ainsi décidés ne peuvent commencés qu’à l’expiration d’un délai de deux mois pour d’éventuelles contestations.
L’assemblée générale peut, à la majorité des voix des copropriétaires, s’opposer à la réalisation de ces travaux. Toutefois, un tel refus ne peut être fondé que sur une décision motivée soit pour l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, soit pour la non-conformité à la destination de l’immeuble.
Les points forts du projet
Avant ce dispositif un refus des travaux d’accessibilité dans les parties communes pouvait être obtenu à la majorité simple des voix exprimées en assemblée générale, ce qui bloquait souvent les travaux de mise en accessibilité. Avec cette réforme, la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires est exigée, ce qui s’avère beaucoup plus favorable au copropriétaire souhaitant faire les travaux. De plus, le refus doit être justifié et ne peut intervenir que sur la base de trois motifs :
- Atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ;
- Atteinte des équipements essentiels de l’immeuble ;
- La non-conformité des travaux à la destination de l’immeuble.
Les points de vigilance du projet
Tout en saluant l’avancée significative apportée par ce projet de décret, le CNCPH tient à souligner que la solution de la prise en charge intégrale du coût de la mise en accessibilité par un seul copropriétaire n’est pas la meilleure solution, car souvent les travaux de mise en accessibilité bénéficient à l’ensemble des habitants de l’immeuble.
Enjeux et conséquences pour la vie des personnes en situation de handicap
Ce décret, en facilitant la procédure de mise en accessibilité des parties communes dans les immeubles d’habitation en copropriété, contribue à améliorer la qualité de vie de tous, notamment des personnes en situation de handicap.
Recommandations et observations de la Commission accessibilité
Le CNCPH propose à l’administration de faciliter l’attribution d’aides financières aux propriétaires qui engagent à leurs frais des travaux d’accessibilité dans les parties communes des immeubles en copropriété.
Position de la Commission accessibilité sur le projet
Les membres de la commission émettent, à l’unanimité, un avis favorable sur ce projet de décret.
Position du CNCPH
Les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées adoptent à l’unanimité et huit abstentions un avis favorable sur ce projet de décret.
Ils demandent à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées de veiller à ce que l’accessibilité soit effectivement prise en compte de manière forte dans la phase actuelle de déconfinement du pays.
Annexe : Avis de la Commission Accessibilité, conception universelle et numérique sur le projet de décret pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété
Présentation générale
La Commission accessibilité, conception universelle et numérique a examiné le 26 mai 2020, après l’audition du représentant du ministère de la Justice, le projet de décret pris pour l’application de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis et relatif à diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété. L’examen de ce texte par la commission a porté plus particulièrement sur l’article 13 du projet de décret qui traite de la réalisation « des travaux d’accessibilité des logements affectant les parties communes » des immeubles en copropriété.
L’article 215 de la loi Élan a autorisé le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d’adaptation pour regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété. Ainsi, la loi a autorisé à apporter des modifications permettant une meilleure cohérence rédactionnelle des textes, pour mieux harmoniser l’état du droit et aussi pour remédier aux éventuelles erreurs. Dans cet objectif, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a été prise pour mettre en application, à partir du 1er juin 2020, des mesures visant à la gestion des immeubles et à prévenir les contentieux, destinées à :
1° Redéfinir le champ d’application et adapter les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété, d’une part, et modifier les règles d’ordre public applicables à ces copropriétés, d’autre part ;
2° Clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété, celles relatives à la prise de décision par le syndicat des copropriétaires ainsi que les droits et obligations des copropriétaires, du syndicat des copropriétaires, du conseil syndical et du syndic.
C’est à ce titre que l’article 27 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 a créé un nouvel article 25-2 de la loi du 10 juillet 1965, précisant tout particulièrement les travaux de mise en accessibilité que les copropriétaires souhaitent et peuvent réaliser. Il s’agit de l’article qui change le mode de décision de la copropriété au regard des demandes de travaux d’accessibilité dans la partie commune de l’immeuble. Les modalités d’application de cette mesure sont définies par l’article 13 du présent projet de décret soumis à l’avis du CNCPH.
Une évolution attendue
Selon l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, tous travaux d’accessibilité sur les parties communes ou toute demande de la part des copropriétaires d’effectuer, à leurs frais, des travaux d’accessibilité sont soumis au vote de l’assemblée générale des copropriétés.
Jusqu’au 1er juin 2020, ces travaux, quelle que soit leur nature (ascenseur, rampe d’accès, élargissement de porte ou de voie d’accès, etc.), dès lors qu’ils impactent les parties communes, devaient être votés à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée générale. Ceci à condition que les travaux de l’accessibilité n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels.
En cas de refus de l’assemblée générale, le copropriétaire avait néanmoins la possibilité d’obtenir l’autorisation de l’assemblée pour effectuer, à ses frais, les travaux d’accessibilité qui impactaient les parties communes ou l’aspect extérieur du bâtiment, sans toucher à la structure de l’immeuble.
L’ordonnance n°2010-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis a modifié ce dispositif décisionnel concernant la réalisation de travaux d’accessibilité à la charge d’un copropriétaire.
Avec la nouvelle disposition, chaque copropriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. Pour ce faire, le copropriétaire doit notifier au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de l’assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.
L’assemblée générale peut, à la majorité des voix des copropriétaires, s’opposer à la réalisation de ces travaux. Toutefois, un tel refus ne peut être fondé que sur une décision motivée soit pour l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, soit pour la non-conformité à la destination de l’immeuble.
Les règles d’application de cette ordonnance qui doivent entrer en vigueur le 1er juin 2020 sont précisées par le projet de décret à travers trois nouveaux articles 10-1, 10-2 et 10-3. Ils précisent les modalités de transmission par un copropriétaire souhaitant faire réaliser des travaux d’accessibilité dans les parties communes à ses frais et d’inscription obligatoire à l’ordre du jour de l’éventuelle opposition de l’assemblée générale afin d’éviter le report de cette question à la prochaine assemblée générale.
Une inflexion positivement importante
Selon l’article 10-1 du projet de décret, le copropriétaire qui souhaite réaliser des travaux d’accessibilité dans la partie commune de l’immeuble doit notifier au syndic, en vue de l’assemblée générale, un descriptif détaillé des travaux envisagés, la nature, l’implantation, la durée et les conditions d’exécution des travaux, ainsi que les éléments essentiels de l’équipement ou de l’ouvrage, tels que les marques, modèles, notices, garanties et documents relatifs à l’utilisation et à l’entretien. Il est assorti d’un plan technique d’intervention, et, le cas échéant, d’un schéma de raccordement électrique.
A défaut de notification par le copropriétaire au syndic de ce descriptif détaillé des travaux, le point d’information n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
Le descriptif peut également comprendre tous éléments nécessaires à la compréhension des travaux prévus, notamment des documents graphiques ou photographiques.
L’article 10-2 dispose qu’une fois saisi de la demande du copropriétaire, le syndic doit inscrire à l’ordre du jour de la même assemblée générale :
– le point d’information relatif aux travaux d’accessibilité ;
– la question de l’opposition éventuelle à la réalisation de ces travaux par décision motivée de l’assemblée générale, accompagnée d’un projet de résolution reproduisant les termes du dernier alinéa de l’article 25-2 de la loi du 10 juillet 1965.
L’article 10-3 précise qu’en l’absence d’opposition motivée de l’assemblée générale, le copropriétaire peut faire réaliser les travaux conformément au descriptif détaillé présenté à l’assemblée générale. Sauf urgence justifiée, l’exécution de ces travaux ainsi décidés ne peuvent commencés qu’à l’expiration d’un délai de deux mois pour d’éventuelles contestations.
Il est rappelé que l’opposition aux travaux de mise en accessibilité dans les parties communes ne peuvent s’exercer que sur la base de trois motifs :
- Atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ;
- Atteinte des équipements essentiels de l’immeuble ;
- La non-conformité des travaux à la destination de l’immeuble.
Le copropriétaire qui réalise les travaux exerce le pouvoir du maitre d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.
Proposition d’avis de la commission
La commission reconnait que ce nouveau dispositif est une avancée majeure. En effet, l’ordonnance du 30 octobre 2019 et ce projet de décret mettent fin à une situation souvent soulignée comme problématique par les associations. Avant ce dispositif un refus des travaux d’accessibilité pouvait être obtenu à la majorité simple des voix exprimées en assemblée générale, ce qui bloquait souvent les travaux de mise en accessibilité. Avec cette réforme, la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires est exigée, ce qui s’avère beaucoup plus favorable au copropriétaire souhaitant faire les travaux. De plus, exiger des motifs précis de refus permettrait d’objectiver une opposition et de proscrire tout prétexte lié à des considérations esthétiques, tel que cela était quelquefois exprimé dans les assemblées générales.
La commission, tout en saluant l’avancée significative apportée par ce projet de décret, tient à souligner que la solution de la prise en charge intégrale du coût de la mise en accessibilité par un seul copropriétaire n’est pas la meilleure solution, car souvent les travaux de mise en accessibilité bénéficient à l’ensemble des habitants de l’immeuble. Comme par exemple l’installation d’ascenseur, rampe d’accès, élargissement de porte ou de voie d’accès, l’interphone, etc. Dans ce cas il s’avère logique que le coût de tels travaux soit réparti entre tous les copropriétaires. De même, la commission propose de permettre aux propriétaires qui réalisent à leur frais des travaux de mise en accessibilité des parties communes de pouvoir accéder à des aides financières pour l’amélioration de l’habitat. Par ailleurs, la commission prend acte que les dispositions de ce projet de décret concernent uniquement la mise en accessibilité au logement des parties communes de la copropriété et ne traite pas le cas de la mise en accessibilité par un propriétaire pour ses activités professionnelles.
Sur la base de ces éléments et après avoir entendu le représentant du ministère de la justice, la Commission accessibilité, conception universelle et numérique propose à l’unanimité un avis favorable.