Avis du CNCPH relatif au projet de décret relatif à l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) et l’allocation journalière de présence parentale (AJPP)
Présentation du projet de décret (Entrée en vigueur prévue : le 30 septembre 2020)
Objet : Le congé proche aidant (CPA) a remplacé le congé de soutien familial depuis 2017. Il permet de cesser temporairement son activité professionnelle pour s’occuper d’une personne en situation de handicap ou faisant l’objet d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité (80% de taux d’incapacité). Sa durée maximale est de 1 an sur l’ensemble de la carrière. Jusqu’à présent, et contrairement au congé de présence parentale (CPP), le CPA ne faisait l’objet d’aucune indemnisation. La loi de finance de la sécurité sociale pour 2020 a donc prévu le versement d’une allocation journalière du proche aidant (AJPA).
Le décret présenté définit les conditions de versement de cette allocation, et prévoit parallèlement les adaptations nécessaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) pour assurer une gestion similaire des deux allocations. Un rapport d’évaluation de la réforme est prévu en 2022 et permettra d’évaluer le taux de recours à l’allocation créée, qui concerne potentiellement 11 millions d’aidants.
Remarques et observations de la commission compensation et ressources :
Vu la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et notamment l’article 65, vu la directive UE 2019/1158, la commission réunie en présence de représentants de la commission éducation en sa séance du 17 septembre formule les remarques suivantes :
La Commission se félicite de l’adoption prochaine de ce texte réglementaire qui traduit une ambition politique forte à destination des aidants.
Elle regrette cependant que cette indemnisation ne couvre qu’une partie du congé proche aidant (3 mois, soit 22 jours/ mois), à terme elle souhaite que cette indemnisation s’aligne sur la durée de ce congé, soit 1 an. Elle constate que les montants, forfaitaires, n’évitent pas la perte de revenus pour ceux qui en font la demande. Elle souhaite qu’une réflexion s’engage sur ce point.
Concernant le projet de décret proprement dit, elle souhaite formuler plusieurs observations et propositions afin d’en améliorer la rédaction.
1 – Modalités prévues en cas de décès de la personne aidée
En cas de décès, le projet prévoit le maintien de l’AJPA pour les jours d’interruption d’activité pris au cours du mois, dans la limite du mois civil du décès. Cette proposition engendre de fait une différence de situation entre un aidant dont le proche décède en début de mois et un aidant dont le proche décède en fin de mois. La commission propose donc d’introduire une modification à travers un droit de tirage de jours en cas de décès de la personne aidée :
« Art. D. 168-21. – En cas de décès de la personne aidée, l’allocation journalière du proche aidant continue d’être versée pour les jours d’interruption d’activité pris au cours des 21 jours ouvrés suivant le décès, dans la limitedu nombre maximum de jours prévu à l’article L. 168-9.
2- Formalités administratives à assouplir
La Commission constate la lourdeur des démarches administratives à accomplir prévues (formulaire à renvoyer avec le justificatif des 80% de la personne aidée, puis déclaration chaque mois du nombre de jours ou des ½ journées prises). Une évolution de ces modalités est prévue à moyen terme, la direction de la sécurité sociale indiquant, lors de la présentation du décret en commission, que d’ici 2021 les salariés et fonctionnaires ne seraient soumis qu’à une seule démarche initiale de déclaration via un formulaire, les déclarations de nombre de journées ou de demi-journées d’interruption d’activité pouvant être transmises automatiquement via les déclarations sociales nominatives (DSN) des employeurs s’ils le souhaitent. La commission salue cette volonté d’aller à terme vers des démarches de déclaration simplifiées mais s’interroge néanmoins sur la capacité des employeurs à intégrer dans leurs remontées de DSN les déclarations AJPA avec un risque d’erreur possible. Par ailleurs, cette simplification ne concerne que les salariés.
La commission propose de faire évoluer ces formalités en s’inspirant de ce qui a été fait durant le confinement dans le cadre de la crise COVID[1]: prévoir une auto-déclaration en ligne du bénéficiaire concernant le nombre de jours (qui générerait automatiquement le PDF à imprimer et à faire signer par l’employeur), verser l’allocation puis donner un délai pour que le formulaire signé par l’employeur soit retourné.
3- Montants de l’AJPA et de AJPP
Le montant brut de l’AJPA est supérieur à celui de l’AJPP, la différence s’expliquant par des prélèvements fiscaux différents compte tenu de la nature respective des allocations. Le montant net est à ce jour identique. La question se pose néanmoins de l’évolution des montants respectifs dans le temps si la CSG et la CRDS devaient être revues. Une réflexion sera aussi à mener sur la différence de nature de ces deux prestations qui font que l’AJPA est soumise à l’impôt alors que l’AJPP ne l’est pas.
4- Cumul de l’AJPA avec d’autres allocations
La loi créant l’AJPA pose une règle de non cumul avec d’autres allocations ou indemnisations (congés de maternité, congés de maladie, allocation aux adultes handicapés, l’AEEH…). Cette règle de non cumul peut poser des difficultés, en particulier pour les allocataires de l’AAH qui se retrouvent eux-mêmes parfois aidants et qui devraient pouvoir solliciter l’AJPA ; ils risquent d’être pénalisés financièrement alors qu’ils sont déjà dans une situation financière fragile.
5- AJPA et droits au chômage
Le décret prévoit que « Les indemnités versées aux demandeurs d’emploi ne sont pas dues au titre des jours indemnisés par l’allocation journalière du proche aidant » (Art. D. 168-18). Or l’aide apportée à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie est incompatible avec la recherche effective d’un emploi. Afin de ne pas aggraver le risque de désinsertion professionnelle des aidants, la commission propose que la durée de l’allocation chômage du proche aidant soit prolongée à hauteur du nombre de jours de versement de l’AJPA.
6- Activité à temps partiel (AJPP)
En application de la loi, le décret permet de fractionner le congé par ½ journées, ou d’utiliser le congé dans le cadre d’une activité à temps partiel.
La commission s’interroge sur la rédaction du texte qui peut conduire, dans la pratique, des employeurs à rédiger à tort un contrat de travail à temps partiel quand un salarié demande simplement de prendre son CPP de manière régulière, un jour par semaine par exemple.
Pour être conforme avec la loi de financement de la sécurité sociale (article 69), et éviter toute ambiguïté, la commission propose de reformuler le quatrième alinéa de l’article 2 du projet de décret de la façon suivante : « Lorsque le bénéficiaire d’un congé de présence parentale le transforme en période d’activité à temps partiel ou lorsque les personnes mentionnées à l’article L. 544-8, à l’exception des personnes mentionnées à l’article L. 5421-1 du code du travail, transforment leur congé en période d’activité à temps partiel, le montant mensuel de l’allocation journalière de présence parentale versé est calculé sur la base du nombre de journées et demi-journées non travaillées correspondantes au titre d’un mois civil ». Il conviendrait de reformuler pareillement l’article D. 168-16 du code de la sécurité sociale qui prévoient les mêmes modalités pour l’AJPA lorsque le congé de proche aidant est transformé en période d’activité à temps partiel.
La commission s’interroge également sur la situation des chômeurs indemnisés et sur leur faculté à consommer l’AJPP par demi-journée.
7- Formalités mensuelles de déclaration (AJPP)
La commission propose de faire évoluer les formalités de déclaration des jours pris chaque mois pour l’AJPP en s’inspirant de ce qui a été fait durant le confinement dans le cadre de la crise COVID[2]: prévoir une auto-déclaration en ligne du bénéficiaire concernant le nombre de jours (qui générerait automatiquement le PDF à imprimer et à faire signer par l’employeur), verser l’allocation puis donner un délai pour que le formulaire signé par l’employeur soit retourné.
Cette évolution des modalités de déclaration est d’autant plus nécessaire que le projet de décret introduit également une souplesse concernant les personnes au chômage indemnisées. Ainsi, auparavant, elles étaient obligées de prendre 22 jours par mois. Elles pourront maintenant choisir le nombre de jours qu’elles prennent, ce qui est un point positif mais implique que Pôle Emploi soit bien associé et que cela ne se traduise pas par des retards de versement. Enfin, compte tenu de la fréquence des échanges automatisés entre Pôle Emploi et la CAF/MSA via leurs systèmes d’information, il n’y a pas de fondement à vérifier a priori le nombre de jours déclarés par l’allocataire.
La commission souligne que la réussite de l’allocation journalière du proche aidant dépendra étroitement de la connaissance, par les aidants, la MSA et les CAF des modalités de cette nouvelle prestation. Aussi, il est nécessaire d’informer les aidants, la MSA et les CAF pour un meilleur recours par les personnes concernées. Cette communication essentielle, devra reposer en complément des campagnes grand public menées par la CNAF et ciblées auprès des aidants, sur l’information par les réseaux associatifs.
Avis du CNCPH
Les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées réunis en assemblée plénière approuvent l’ensemble des recommandations et observations proposées par la Commission, adoptent un avis favorable sur ce projet de décret et demande que les ajustements rédactionnels proposés ci-dessus soient pris en compte (76 votes pour, 4 votes contre et 4 abstentions).
[1] Pendant la crise sanitaire, l’AJPP a été liquidée pour tous sur la base de la déclaration sur l’honneur. La vérification se fait a posteriori.
[2] Pendant la crise sanitaire, l’AJPP a été liquidée pour tous sur la base de la déclaration sur l’honneur. La vérification se fait a posteriori.