À l’occasion des 2èmes universités d’été du conseil national consultatif des personnes handicapées à la Bibliothèque Nationale de France, entretien du 22 septembre 2021 avec Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi et à l’Engagement des entreprises : le plan « 1 jeune 1 solution » s’adresse-t-il vraiment à tous les jeunes ?
Jérémie Boroy : Nous accueillons maintenant Thibaut Guilluy qui est le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. Thibaut Guilluy vient pour la deuxième fois aux universités d’été du CNCPH, donc merci d’être fidèle à notre rendez-vous. Aujourd’hui on a un sujet, le programme 1 jeune, 1 solution que vous avez lancé avec le gouvernement. On entend beaucoup parler de ce programme. On vous a même vu chez Cyril Hanouna pour parler de ce programme. De quoi ça parle ?
Thibaut Guilluy : Un jeune, une solution c’est un programme que l’on a mis en place il y a un peu plus d’un an pour apporter une réponse à la fois l’urgence et à la fois à un constat que l’on fait depuis des années, c’est la difficulté que nous avons pour accueillir les jeunes dans l’emploi. C’est un programme de près de 10 milliards d’euros qui emportent énormément de mesures de soutien pour aider les jeunes à trouver leur voix et leur emploi. C’est des aides aux entreprises qui recrutent, les aides à l’apprentissages, les aides aux recrutement notamment pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Mais c’est aussi un effort massif dans la formation des jeunes. 100 000 formations supplémentaires, notamment dans les métiers du digital, la transition écologique et des métiers du soin et du prendre soin. Et c’est aussi accompagné les jeunes qui ont le goût de l’engagement avec le service civique, avec le fait de financer 100 000 missions de service civique volontaire. Vous savez que les jeunes aspirent à l’intérêt général. On croit que c’est une bonne chose pour eux et pour la société et cela leur permet de gagner de la confiance en eux et de développer finalement des compétences qui pourront être utiles pour leur insertion professionnelle. Et très important, l’accompagnement car il y a beaucoup de jeunes qui sont parfois perdus, qui sont sans formation, sans études ou sans emploi. Eux ont besoin d’un accompagnement renforcé avec des aides financières et des aides techniques à la formation et à la recherche d’emploi avec des missions locales et avec Pôle Emploi et Cap Emploi.
Jérémie Boroy : 10 millions d’euros, ce n’est pas rien. Mais est-ce que ce programme est vraiment fait pour tous les jeunes du pays ? Quand on est jeune et que l’on a un handicap, souvent, on galère un peu plus pour trouver une formation, etc. Parfois, il faut aussi en fonction des personnalités et des parcours, il faut le temps d’appréhender son propre handicap pour pouvoir faire face à la réalité et s’insérer dans le monde professionnel. Est-ce que le programme permet de faire face à cela ?
Thibaut Guilluy : Un jeune, une solution c’est quand même une grande promesse. Derrière 1 jeune, 1 solution, il n’y a pas qu’un seul jeune, il y a tous les jeunes. Certains ont 16,17 ou 18 ans. D’autres sont plus avancés dans la vie. Certains savent exactement ce qu’ils veulent faire. Certains sont un peu perdus. Et certains connaissent des handicaps ou ont des difficultés particulières pour s’insérer. Tout le plan a été pensé pour s’adresser en priorité à ces jeunes. On connaît un certain nombre de résultats qui sont encourageants au bout d’un an. Qu’est-ce que l’on fait pour cibler ces jeunes les plus
éloignés ? Vous parliez des jeunes en situation de handicap. D’abord, les aides, on dit aux entreprises, quand vous recrutez et quand vous apprenez à ouvrir vos portes de façon plus large que vous le faites d’habitude, on va vous accompagner un peu plus fortement. Les aides à l’apprentissage sont ouvertes sans restriction de handicap. Toutes les aides à l’embauche, nous en avons mis plein en place qui sont faites pour les jeunes en situation de handicap. Et vous disiez que parfois ça prend un peu plus de temps et bien typiquement le contrat initiative emploi, on prend en charge la moitié du SMIC au moment de l’embauche du jeune. D’ordinaire, c’est jusqu’à 25 ans. Là, on le pousse jusqu’à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap, parce que parfois, ils ont connu des chemins de traverse un peu plus longs. Au-delà des aides, ce qui est important c’est l’accompagnement pour redonner confiance. Il ne suffit pas de mettre tout un tas d’initiatives et d’opportunité sur la table. Certains jeunes ont plus de facultés pour pouvoir saisir les opportunités que d’autres. On a considérablement renforcé les moyens à l’accompagnement, maintenant on s’oriente vers 200 000 jeunes en garantie jeune, avec un accompagnement renforcé. Et ils peuvent bénéficier à la fois bénéficier d’une aide financière de 500 € tous les mois pour lever les frais financiers. C’est aussi le travail que l’on fait avec Pôle Emploi qui renforce ces accompagnements. Pôle Emploi travaille dans un maillage très fin avec Cap emploi.
Progressivement, on développe notre capacité à mieux accueillir les jeunes en situation de handicap avec leurs spécificités.
Et le dernier point, c’est le mentorat. Nous avons lancé le plan 1 jeune, 1 mentor. Ces jeunes, à l’école ou en phase d’insertion professionnelle, on leur met face eux à la possibilité d’avoir quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, un inconnu qui va consacrer de son temps pour les écouter, leur partager son réseau, son carnet d’adresses, pour les aider à saisir les opportunités et à faire sa voix. J’ai veillé à ce que des associations comme l’Arpejeh, qui se sont lancé dans le mentorat pour accompagner des jeunes en situation de handicap. Notre ambition, c’est que tous les jeunes puissent avoir un mentor qui puisse ouvrir le champ des possibles.
Jérémie Boroy : Je le confirme, le mentorat est vraiment essentiel dans le parcours de beaucoup de jeunes. Ce programme, 1 jeune, 1 solution, vous avez cité les chiffres. En ce qui concerne les jeunes handicapés, on commence à voir des résultats, des chiffres ? Est-ce que vous voyez une dynamique qui prend ?
Thibaut Guilluy : Il y a un certain nombre de chiffres par rapport à tous les contrats aidés qui ciblent plus particulièrement les jeunes en situation de handicap. La proportion de jeunes en situation de handicap est beaucoup plus importante. On a mis tout un tas d’initiatives et de prise en compte des spécificités du handicap avec Sophie Cluzel qui font que ces contrats touchent plus les jeunes. Nous sommes partis de très loin sur l’apprentissage. Pour les jeunes en situation de handicap, en 2019, il y avait 1,3 % des contrats d’apprentissage pour les personnes en situation de handicap. Il y avait des freins de toute nature. Nous avons travaillé à les lever. Maintenant tous les centres de formation d’apprentis doivent avoir une formation handicap et travailler sur l’accessibilité universelle. On finance de façon plus forte les CFA qui prennent des jeunes en situation de handicap pour prendre en compte tous les coûts de compensation. On voit que l’apprentissage est en train de décoller sur les jeunes en situation de handicap. Ce sont des tendances sur un an qui méritent d’être confirmées. C’est pour cela que l’on continue d’investir dans 1 jeune, 1 solution. C’est un plan qui ne cesse d’évoluer tous les 15 jours ou tous les mois en fonction des retours des utilisateurs.
Par exemple, la création d’entreprises. Sur la création d’entreprises, il y a quasiment un jeune sur deux et des jeunes en situation de handicap, pas moins ni plus que les autres, qui aspirent à créer leurs propres entreprises et porter un projet. Ça peut être aussi une entreprise de l’économie sociale et solidaire. Je préfère partir de l’aspiration des jeunes, de leurs envies. Et donc il faut que l’on accompagne mieux les jeunes sur leur projet de création d’entreprises. Le président de la République a annoncé que l’on allait faire une expérimentation avec le capital jeunes créateurs à Marseille. On va s’entraîner à Marseille. On va associer les acteurs qui accompagnent de façon très active les jeunes en situation de handicap à la création d’entreprises.
Et l’objectif, pour ces jeunes, c’est de leur proposer un vrai accompagnement, de leur proposer une dotation au capital car souvent, quand on est jeune, on a des idées, mais pas forcément l’occasion de mettre de l’argent de côté. C’est ce que l’on va faire. Et on va le co-construire avec des acteurs plus spécialisés dans le handicap pour que l’on soit un plan le plus inclusif possible.
Jérémie Boroy : La création d’entreprises, les chefs d’entreprises qui sont eux-mêmes handicapés, c’était l’objet d’une table ronde que nous avons faite hier. Cet après-midi, une autre table ronde a mis l’accent sur une initiative concernant les binômes. Une personne en situation de handicap se met en binôme avec une personne qui n’a pas de handicap pour étendre leurs compétences. On espère pouvoir vous en reparler bientôt. La question de l’emploi, c’est d’abord la question de l’accessibilité de l’environnement de travail, c’est aussi un effort sur lequel on doit continuer à embarquer les entreprises. Et aussi la question de l’éducation. Plus on réussit à rendre accessibles les parcours scolaires, c’est l’objet de la table ronde suivante, plus on se donne de chances de rendre les jeunes autonomes et libres de leur choix au moment où ils rentrent dans leur vie professionnelle. Vous avez face à vous et face à leurs écrans des jeunes et des professionnels, des familles, qui attendent de trouver leur solution. Ou est-ce que l’on peut trouver les informations pour 1 jeune, 1 solution ?
Thibaut Guilluy : Toutes les informations sont sur 1jeune1solution.gouv.fr. On a déjà plus de 5.5 de jeunes qui utilisent la plate-forme. Elle vous donne en fonction de vos besoins… Il y a 420 000 offres d’emploi. Il y a toutes les offres d’apprentissage, il y a plus de 20 000 offres sur les stages. Récemment nous avons lancé la plate-forme pour les jobs étudiants pour aider les jeunes à trouver leur job étudiant. Il y a aussi un simulateur d’aide pour connaître toutes les aides. Souvent, on a tendance à ne pas connaître ses droits. C’est un simulateur très pratique. Ça se fait en 3 ou 4 minutes. Près d’un million de jeunes sont passés par là. C’est ce que l’on met sur la plate-forme. Et ensuite, je vous invite à ouvrir les portes du mentorat. Vous pouvez inscrire votre enfant. Ou si vous vous sentez concernés, inscrivez-vous sur la plate-forme. Vous allez être recontacté dans les 3 jours. On va vous trouver le mentor qui va faire un bout de chemin avec vous.
Je connais bien le binôme avec Marianne et Matthieu. La raison d’être de mon haut-commissariat, c’est de bâtir une société inclusive. Il faut certes accompagner les personnes. Nous avons parlé de toutes les mesures que nous faisions pour aider les jeunes et ceux qui peuvent connaître plus de difficultés que les autres à pouvoir trouver un emploi. Mais je pense que le défi est au moins équivalent vis-à-vis des entreprises. Je souhaite que les entreprises apprennent à plus ouvrir leurs portes. Et c’est toute la philosophie de 1 jeune, 1 solution. Nous avons bâti un mouvement. Nous avons plus de 18 000 entreprises qui nous ont rejoints. De 40 filières professionnelles de tous les métiers, de l’assurance, en passant par l’artisanat et la cybersécurité. Les entreprises sont en train de comprendre avec ce mouvement qu’en ouvrant leurs portes, à la fois, elles apportent un supplément d’âme et un souffle dans leur organisation, parce que c’est facteur de sens que de relever le défi de la jeunesse ou le défi du handicap pour les entreprises. C’est aussi la condition pour elles d’aller chercher les talents dont elles ont besoin aujourd’hui. Il y a des besoins et des opportunités immenses dans les entreprises. On va continuer à accompagner les entreprises pour qu’elles apprennent à ouvrir leurs portes et qu’elles partagent leurs bonnes pratiques. On accompagnera tous les jeunes qui ont envie d’y croire, de trouver un emploi, de s’engager dans un service civique ou de créer une entreprise. Il y a beaucoup de chemins pour faire sa vie et nous serons à leurs côtés pour le faire.
Jérémie Boroy : Merci beaucoup donc 1jeune1solution.gouv.fr pour trouver toutes les informations sur le programme que vous venez de présenter. Merci à vous Thibaut Guilluy. Dans quelques minutes, vous retrouverez la table ronde qui va parler d’éducation. Pour répondre à une question essentielle : est-ce que les dispositifs spécialisés pour les enfants doivent tous relever de l’Éducation nationale ?