Mayotte : un recul inacceptable des droits fondamentaux

Mayotte après le passage du cyclone Chido. Sur cette image, un quartier défavorisé construit à flanc de colline, constitué de nombreuses habitations faites de tôle, de bois et de matériaux de récupération. La scène montre des dégâts importants : de nombreuses maisons sont gravement endommagées, certaines se sont effondrées, d’autres n’ont plus de toit ou de murs. Des arbres sont tordus ou arrachés, des branches et des débris jonchent le sol. Au milieu de ces ruines, quelques personnes tentent de réparer ou de fouiller ce qu’il reste de leurs maisons. L’ensemble illustre la précarité et les difficultés que rencontrent les habitants après le passage du cyclone.

Motion adoptée par l’assemblée plénière du CNCPH réunie le 23 octobre 2025


Le 12 décembre 2024, le cyclone Chido a frappé Mayotte avec une violence exceptionnelle, causant destructions massives et pertes humaines. Face à cette catastrophe, la solidarité nationale s’est immédiatement mobilisée pour accompagner la reconstruction du territoire.

C’est dans ce contexte que le conseil national consultatif des personnes handicapées a été saisi d’un projet de décret et d’un projet d’arrêté visant à instaurer des dérogations temporaires aux règles de construction et d’accessibilité à Mayotte. Ces textes proposent de suspendre l’application des normes d’accessibilité pour les bâtiments d’habitation, les établissements recevant du public (ERP) et les installations ouvertes au public (IOP) dans le cadre de la reconstruction.

Après examen approfondi de ces projets de textes, les membres du CNCPH ont adopté deux avis défavorables et dénoncent fermement des mesures qui constituent une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes handicapées.

Un recul inacceptable des droits fondamentaux

L’urgence de la reconstruction ne peut justifier l’abandon des principes d’égalité et des obligations d’accessibilité qui fondent notre République. La France s’est engagée, par la ratification de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, à garantir l’accessibilité universelle sur l’ensemble de son territoire. Accepter ces dérogations reviendrait à considérer que les droits des personnes handicapées sont négociables, ajustables selon les circonstances. Le CNCPH affirme que les droits fondamentaux ne se suspendent pas, même en période de crise. L’accessibilité n’est pas un luxe dont on pourrait se passer temporairement : c’est la condition même de l’exercice de la citoyenneté.

Une discrimination aggravée pour les personnes handicapées de Mayotte

Les personnes handicapées de Mayotte, déjà confrontées à des difficultés d’accès aux services et aux infrastructures avant le cyclone, seraient les premières victimes de ces dérogations. Alors qu’elles ont tout perdu et qu’elles sont en situation de grande vulnérabilité, ces mesures les condamneraient à une exclusion durable.

Construire des logements, des écoles, des centres de santé, des commerces inaccessibles, c’est programmer l’exclusion de milliers de personnes pour les décennies à venir. C’est les priver durablement de leur droit au logement, à l’éducation, à la santé, au travail, à la vie sociale et culturelle. C’est les contraindre à dépendre d’aides humaines pour accomplir les actes les plus quotidiens, là où un bâti accessible leur permettrait l’autonomie.

La reconstruction : une opportunité à saisir, pas à gâcher

Le CNCPH refuse que la reconstruction reproduise et aggrave les inégalités préexistantes. Au contraire, elle doit être l’occasion de corriger les insuffisances du passé et de bâtir un territoire véritablement inclusif.

Reconstruire Mayotte accessible n’est pas un obstacle à l’urgence : c’est une condition de sa résilience. Le CNCPH rappelle une réalité économique trop souvent ignorée : l’accessibilité intégrée dès la conception représente un surcoût marginal. Renoncer à l’accessibilité aujourd’hui, c’est programmer des dépenses bien plus importantes demain.

Au-delà du coût financier, il faut mesurer le coût humain et social : exclusion, isolement, perte d’autonomie, renoncement aux soins, à l’emploi, à l’éducation. C’est aussi le coût des accompagnements humains compensatoires qui devront être déployés massivement pour pallier l’inaccessibilité du bâti.

L’urgence ne peut justifier l’improvisation ni la régression. La reconstruction de Mayotte doit s’inscrire dans une vision de long terme, celle d’un territoire moderne, résilient et accessible.

En conclusion

Le CNCPH mesure pleinement l’ampleur du défi que représente la reconstruction de Mayotte. Il salue la mobilisation de l’État et des collectivités territoriales. Mais il dénonce avec la plus grande fermeté l’esprit de ces textes.

Le CNCPH dénonce la logique qui fait des personnes handicapées des variables d’ajustement budgétaire. Les Mahorais, handicapés ou non, méritent le même respect et les mêmes droits que l’ensemble des citoyens français. Un territoire ne peut être reconstruit en organisant l’exclusion d’une partie de sa population. Aucune économie ne peut être réalisée en sacrifiant les droits des plus vulnérables. 

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