Le Gouvernement a présenté le 5 décembre dernier un ensemble de mesures destinées à « adapter l’organisation des enseignements aux besoins de chaque élève » et à « rehausser le niveau d’exigence et d’ambition » pour tous.
Dans ce cadre, un arrêté et une note de service, publiés le 15 mars 2024, précisent que « Les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l’horaire, sont organisés en groupes pour l’ensemble des classes et des niveaux du collège. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. »
Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) avait alerté le ministre de l’Éducation nationale, à l’occasion du comité national de suivi de l’école inclusive (CNSEI) réuni le 11 décembre dernier, sur les risques d’une ségrégation accrue des élèves en situation de handicap. Le CNCPH regrette de ne pas avoir été saisi pour avis sur ces textes qui peuvent pourtant impacter les parcours de scolarisation des élèves en situation de handicap, et en particulier les démarches inclusives leur permettant d’être dans leur classe de référence.
Les travaux de la recherche le confirment : cette organisation en groupes n’a pas d’effet sur les performances moyennes des élèves, mais elle pénalise les élèves les plus en difficulté. C’est pourquoi, au regard des engagements internationaux de la France, le CNCPH s’inquiète des conséquences sur les parcours des élèves en situation de handicap, quel que soit leur mode de scolarisation (individuelle ou collective).
Le CNCPH alerte une nouvelle fois le gouvernement sur les possibles conséquences délétères de cette réforme. En effet, certains élèves en situation de handicap confrontés à des difficultés d’apprentissage pourraient être affectés au sein de groupes destinés aux élèves les plus en difficulté, accentuant ainsi le sentiment d’assignation sans garantie que des aides et appuis nécessaires ne leur soient apportés pour qu’ils puissent progresser.
En outre, ces élèves peuvent avoir des compétences et des difficultés hétérogènes au sein d’une même matière. Notre inquiétude concerne également le fonctionnement des dispositifs, en particulier Ulis, qui risquent de connaître un repli sur eux-mêmes au lieu de favoriser la scolarisation des élèves dans leur classe de référence. Les dynamiques inclusives peuvent paradoxalement pâtir de cette volonté d’attention aux besoins des élèves. Ces besoins sont évolutifs et demandent une évaluation régulière et non figée dans le temps.
Le CNCPH rappelle que, pour une école accessible et véritablement inclusive avec les moyens de faire progresser tous les élèves, une baisse des effectifs dans les classes s’impose, ainsi qu’une formation accrue des enseignants et de l’ensemble des professionnels intervenant auprès des élèves, une meilleure coopération avec le médicosocial, et un véritable partenariat avec les familles.
Pour en savoir plus sur les travaux de la recherche, consulter :
- dans la revue française de pédagogie n°148 : Classes homogènes versus classes hétérogènes : les apports de la recherche à l’analyse de la problématique de Vincent Dupriez et Hugues Draelants (juillet-août-septembre 2004, pages 145-165) ;
- les conclusions de la conférence de consensus « Différenciation pédagogique. Comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves ? » de mars 2017 organisée par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) et l’Institut français de l’éducation (Ifé) / École normale supérieure de Lyon (ENS).
Communication du CNCPH adoptée par l’assemblée plénière du 19 avril 2024