Accompagnement des malades et fin de vie

flamme d'une allumette allumée

Contribution du CNCPH sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et à la fin de vie, adoptée par l’assemblée plénière du 24 mai 2024

Cette contribution vise à la prise en compte de la parole des malades en situation de handicap majeurs et celle de leurs proches, afin d’améliorer la prise en charge des soins palliatifs et de laisser le choix à ceux qui le souhaitent d’être accompagnés dans leur de fin de vie dans des conditions dignes. [Les observations du 24 mai 2024 qui suivent font référence à la version du projet de loi suite à son examen par la commission spéciale de l’Assemblée nationale].

Rappel du contexte

Aujourd’hui en France, le droit à mourir n’est pas prévu par la loi, ce qui oblige ceux qui souhaitent y recourir à se rendre dans d’autres pays de l’Union Européenne.

Concernant les soins palliatifs, la loi Claeys et Leonetti de 2016 donne la possibilité aux médecins, de manière individuelle ou collégiale, de définir le moment où le patient est arrivé à la fin de sa vie et impose le devoir d’empêcher tout acharnement thérapeutique. Lorsque le constat de fin de vie est posé, il est possible de mettre en place un protocole de soins palliatifs. L’accès à ces soins et l’accompagnement restent complexes pour de nombreuses personnes aujourd’hui.

Constats, recommandations et observations du CNCPH

Ce projet de loi a pour objectif de permettre à toute personne majeure dont le consentement est « libre et éclairé » de recourir, si elle le souhaite, à l’aide active à mourir ou d’être accompagnée pour mettre en place un protocole de soins d’accompagnement. 

La commission salue l’avancée décisive que représente ce projet de loi qui comble un vide juridique mais qui reste encore trop restrictif et exclut de son champ d’application de nombreuses personnes, tout particulièrement les personnes handicapées et les personnes mineures dont certaines manifestent le souhait d’avoir recours à l’aide active à mourir.

Il importe de souligner que cette loi conduirait à un changement de paradigme où l’aide active à mourir devient une réalité. C’est donc toute la population qu’il va falloir « éduquer » et informer pour que chacun puisse s’approprier cette possibilité et faire ses propres choix.

1- L’information et la formation 

Cette nouvelle loi amène un changement sociétal important et nécessite d’être accompagnée. L’explication par un médecin des soins palliatifs ou de l’aide active à mourir au moment où la personne est concernée est certes essentiel mais très insuffisant.

Les directives anticipées doivent faire l’objet d’information régulière et doivent être expliquée en amont. Les questions, et les répercussions entraînées par les réponses, doivent être expliquées par un professionnel (médecin, pharmacien ou infirmier). Elles doivent être accessibles aux personnes handicapées, c’est-à-dire disponibles et compréhensibles par tous.

La version actuelle du projet de loi (après son examen par la commission spéciale de l’Assemblée nationale) intègre la formation initiale du corps médical. Il n’est cependant pas fait mention de la formation continue des personnels soignants en poste ni de la formation initiale et continue des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux. La question de l’accompagnement et de la prise en charge des personnes en situation de handicap doit y avoir sa place.

Propositions :

  • Faire des campagnes régulières d’information auprès du grand public et prévoir une information permanente dans Mon espace santé et sur monparcourshandicap.gouv.fr en veillant à l’accessibilité de ces campagnes ; 
  • Mettre en place des formations continues pour les personnels en poste intégrant les accompagnements spécifiques dont peuvent avoir besoin les personnes handicapées ;
  • Mettre en place une consultation dédiée par le médecin traitant, d’une heure, mobilisable par les patients qui le souhaitent pour les éclairer sur la manière de compléter leurs directives anticipées ;
  • Former les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux.

2- Les soins palliatifs

Aujourd’hui, l’accès aux soins palliatifs et demain l’accompagnement aux soins palliatifs ne sont pas homogènes sur le territoire. La commission regrette que les recommandations d’une unité à minima par département et plus sur les territoires à forte densité de population n’aient pas été prises en compte. Une augmentation des moyens budgétaires de ces unités est essentielle pour qu’elles puissent assurer l’ensemble de leurs missions. Dans la version actuelle du projet de loi, le budget prévu n’est pas spécifiquement dédié à l’aide à mourir.

Le conseil approuve le projet de création de maisons d’accompagnement prenant en charge la personne et les proches. Mais le dispositif reste imprécis dans sa présentation, leur nombre et les moyens dont vont disposer ces maisons, ainsi que les modalités de prise en charge des situations de handicap, ne sont pas encore connus.

La formation des personnels au handicap dans les unités est insuffisante aujourd’hui.

Les unités doivent être dotées du matériel adapté nécessaire pour les patients handicapés en soin palliatif en unité et à domicile.

Les équipes pluridisciplinaires qui sont au cœur du dispositif ne sont pas opérantes dans toutes les unités, notamment pour les patients bénéficiant de soins palliatifs à domicile où bien souvent le médecin traitant se retrouve seul dans la prise de décision.

Propositions :

  • Prévoir une unité de soin palliatif à minima par département ;
  • Intégrer une ligne budgétaire spécifique dédiée à l’aide active à mourir ;
  • Former les personnels des unités de soins palliatifs à l’accompagnement spécifiques des personnes handicapées ;
  • Doter les unités de matériel adapté aux besoins des personnes handicapées ;
  • Doter les unités de moyens suffisants pour qu’elles puissent dégager du temps pour travailler de manière pluridisciplinaire.

3- L’aide à mourir

Pour pouvoir bénéficier de l’aide à mourir, la personne doit en faire la demande expresse, être majeure et « être atteinte d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». La personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Ce dernier élément vient poser la question du consentement, notamment pour les personnes qui ne sont pas en capacité de s’exprimer elles-mêmes et qui sont ainsi exclues de l’aide à mourir du seul fait de leur situation de handicap. Concernant les personnes qui sont empêchées de s’exprimer en raison de leur situation de handicap, la commission souhaite que le texte prévoie que tous les modes de recueil de la parole, y compris via l’intelligence artificielle et les outils de communication alternative et améliorée, soient pris en compte pour permettre de recueillir l’avis des personnes.

Le CNCPH approuve la suppression de l’article (article 8) qui ciblait les maladies psychiatriques sévères qui altèrent gravement le discernement. En effet, l’altération du discernement n’est pas systématiquement irréversible.

Toutefois, les personnes dont une maladie altère gravement leur discernement restent exclues du dispositif. Si la commission comprend les réserves du législateur visant à éviter les suicides, elle l’invite à ne pas ignorer dans le même temps que des personnes ayant une maladie altérant gravement le discernement peuvent aussi avoir une autre pathologie grave et incurable et répondant aux critères de l’article 6 de la loi. Ne pas répondre à la demande de ces personnes reviendrait à ne pas écouter leur souffrance physique et/ou psychique en raison de leur situation de handicap. 

L’aide à mourir prévoit que la personne elle-même ou un proche désigné puisse administrer la dose létale. Aucun accompagnement psychologique n’est proposé pour le proche ayant accepté d’accomplir l’acte. Au-delà du manque d’accompagnement proposé, le CNCPH soutient que la dose létale devrait être administrée par un médecin. Quand les soins visant à la guérison ne fonctionnent pas, le dernier acte de soin devrait être d’accompagner la personne qui le souhaite à mourir dans la dignité.

Propositions :

  • Afin de permettre à tous l’accès au droit à mourir, l’ensemble des moyens permettant une meilleure compréhension et le recueil du consentement y compris l’intelligence artificielle doivent être pris en compte ;
  • Les personnes atteintes d’une maladie altérant gravement le discernement voient leur demande étudiée par une équipe pluridisciplinaire ;
  • Les personnes ayant une maladie qui altère gravement le discernement pourront demander l’aide à mourir, une équipe pluridisciplinaire composée de médecin expert étudiant la demande pour rendre un avis ;
  • Un médecin ou une infirmière administre la dose létale au patient qui en a fait la demande ;
  • Si le projet de loi confirme que la dose létale peut être administrée par un proche/ une personne de confiance, ce proche pourra bénéficier s’il le souhaite d’un accompagnement psychologique avant et après l’accomplissement de l’acte.

4- Les directives anticipées

La version actuelle du projet de loi confirme que les directives anticipées concernent aussi le droit à mourir.

Au-delà de l’information et de l’accompagnement que nous préconisons pour accompagner les personnes à rédiger leurs directives anticipées, des rappels réguliers devraient être mis en place, notamment dans Mon espace santé, pour permettre à la personne de se réinterroger sur ses souhaits à différentes étapes de sa vie. Un rappel plus formel pourrait avoir lieu tous les 3 ans, via Mon espace santé, pour que la personne valide à nouveau ses choix de directives anticipées et le choix des personnes de confiances éventuellement désignées.

De nombreuses personnes handicapées empêchées de s’exprimer ne peuvent pas rédiger leurs directives anticipées car les moyens adaptés pour recueillir leur avis ne sont pas mis en place.

Propositions :

  • Valider tous les 3 ans les directives anticipées ;
  • Prévoir dans le texte de loi la prise en compte de tous les modes de communication, y compris l’intelligence artificielle et la communication alternative améliorée, pour comprendre et recueillir l’avis des personnes qui sont empêchées de s’exprimer en raison de leur handicap.