Arrêté relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction

Avis du CNCPH du 12 mars 2020 sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction
L’avis en bref

Contexte

Ce projet d’arrêté est présenté pour avis après de nombreux mois de discussions menées par la DHUP entre les représentants des acteurs de la construction, du CNCPH, du CIH et de la DMA.

Un des objectifs de la loi ELAN est de permettre de construire des logements évolutifs qui s’adaptent aux modes et situations de vie des habitants qui changent au cours de la vie (vieillissement, accident de la vie, composition familiale, etc.).

Objectif du projet

L’arrêté dispose que :

  • les logements situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur sont équipés d’une douche accessible dont l’accès se fait sans ressaut ou d’une baignoire ;
  • en annexe, lorsque la zone de douche accessible est aménagée dès la livraison du logement, l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour se superpose à la zone de douche accessible ;
  • les dates d’application sont le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2021 selon les logements.

Les points forts du projet

Le CNCPH se félicite des dispositions relatives à l’obligation d’installer des douches sans ressaut dans les logements neufs situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur ce qui permettra un changement de pratiques professionnelles des acteurs de la construction et surtout un accès plus simple pour les habitants utilisant des sièges de douche ou ayant des difficultés de marche.

Les dates d’application permettent un déploiement rapide au regard des contraintes des acteurs de la construction.

Les points faibles du projet

Le projet d’arrêté, dans certaines configurations de salle d’eau, ne permettra pas l’installation d’une baignoire en préservant une aire de giration.

Il n’a pas prévu non plus, dans certaines configurations, la perte de l’aire de giration en cas d’installation ultérieure d’un siège de douche fixe par l’habitant.

Les points de vigilance du projet

L’objectif de cet arrêté sera atteint si les acteurs de la construction prennent en compte les aspirations et besoins des personnes en situation de handicap. Cet arrêté ne résout pas toutes les situations.

Enjeux et conséquences pour la vie des personnes en situation de handicap

Il s’agit d’une avancée majeure pour permettre une qualité de vie meilleure aux habitants en situation de handicap et particulièrement à ceux qui ont besoin d’une aide humaine ou d’une aide technique dans une salle d’eau, aux personnes âgées dépendantes, et de manière générale à l’ensemble des habitants qui devront subir temporairement ou durablement des limitations fonctionnelles motrices. Pour ces personnes, l’arrêté permettra de rendre une fonction essentielle à une salle d’eau à savoir pouvoir s’y laver en toute sécurité.

Recommandations et observations de la Commission

Le CNCPH demande à l’administration de préciser dans l’annexe 2 qu’une salle de bain comportera une aire de giration si une baignoire est installée à la livraison.

Le CNCPH demande à l’administration d’organiser des travaux complémentaires :

  • sur le positionnement de l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour et de l’espace d’usage après l’installation d’une baignoire ou d’un siège de douche dans les salles d’eau ;
  • sur la question de la hauteur de 1,80 mètre dans la salle d’eau.
Position de la Commission Accessibilité, conception universelle et numérique sur le projet

Les avis des membres de la commission sont partagés entre avis favorables (en légère majorité) et défavorables parce que l’arrêté ne répond pas complètement à l’ensemble des attentes des personnes en situation de handicap.

Position du CNCPH (procédure d’urgence)

Après de longues discussions, le Comité de gouvernance a décidé à l’unanimité d’émettre un avis favorable avec réserves considérant que l’arrêté comportait des dispositions pour rendre les salles d’eau plus accessibles et que des travaux complémentaires seront menés avec les administrations concernées.

Résultat du vote du Comité de gouvernance du 19/03/2020 : Avis favorable avec réserves à l’unanimité
Annexe : Avis sur le projet d’arrêté
modifiant l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction

Présentation générale

La Commission Accessibilité, conception universelle et numérique a examiné le 3 mars 2020, après l’audition du représentant de la DHUP, le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction.

Ce projet d’arrêté est présenté pour avis après de nombreux mois de discussions menées par la DHUP entre les représentants des acteurs de la construction, du CNCPH, du CIH et de la DMA.

Un des objectifs de la loi ELAN est de permettre de construire des logements évolutifs qui s’adaptent aux modes et situations de vie des habitants qui changent au cours de la vie (vieillissement, accident de la vie, composition familiale, etc.).

Le Premier ministre a indiqué à l’issue du 3ème Comité interministérielle du handicap (CIH) que les douches seront sans ressaut pour faire évoluer les logements en cas de survenance du handicap notamment.

Julien Denormandie a indiqué lors de la Conférence nationale du handicap, le 11 février 2020, que les dates d’application seront respectivement le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2021 pour les logements situés en rez-de-chaussée dans un premier temps, puis les logements en étages desservis par ascenseurs dans un second temps.

Le projet d’arrêté modifie les dispositions relatives à l’adaptabilité de la salle d’eau de l’article 15 de l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction.

L’article 1er prévoit que les logements situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur sont équipés d’une douche accessible dont l’accès se fait sans ressaut ou d’une baignoire. « En cas d’installation d’une baignoire, l’aménagement ultérieur de cette zone de douche est possible sans interventions sur le gros œuvre. »

L’article 2 ajoute à l’annexe 2 de l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction la possibilité, lorsque la zone de douche accessible est aménagée dès la livraison du logement, de superposer l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour et la zone de douche accessible.

L’article 3 dispose que les dates d’application de l’arrêté sont le 1er juillet 2020 pour les demandes permis de construire concernant les logements situés en rez-de-chaussée des bâtiments d’habitation collectifs ainsi qu’aux maisons individuelles à l’exception de celles construites pour le propre usage de leur propriétaire, et le 1er juillet 2021 pour les demandes de permis de construire concernant l’ensemble des logements concernés des bâtiments d’habitation.

Des dispositions attendues depuis longtemps par le CNCPH

Le CNCPH se félicite des dispositions relatives à l’obligation d’installer des douches sans ressaut dans les logements neufs situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur. Il s’agit d’une avancée majeure pour permettre une qualité de vie meilleure aux habitants en situation de handicap et particulièrement à ceux qui ont besoin d’une aide humaine ou d’une aide technique dans une salle d’eau, aux personnes âgées dépendantes, et de manière générale à l’ensemble des habitants qui devront subir temporairement ou durablement des limitations fonctionnelles motrices. Pour ces personnes, le projet d’arrêté permettra de rendre une fonction essentielle à une salle d’eau à savoir pouvoir s’y laver en toute sécurité.

Le CNCPH se félicite également des dates à partir desquelles l’arrêté s’applique. Il y voit la marque d’une volonté certaine du déploiement des douches sans ressaut dans le processus de construction dans les deux ans à venir.

En outre, le CNCPH salue la méthode utilisée par la DHUP dans la conduite de la concertation. En effet, le CNCPH a fortement apprécié les visites de logements qui disposaient de douche sans ressaut pour en vérifier à la fois la faisabilité, les techniques utilisées et les motifs de sinistralités, et ce, avec l’ensemble des acteurs de la concertation.

Une ambition réduite par une adaptation incomplète de la règlementation

La disposition ajoutée à l’annexe 2 de l’arrêté du 24 décembre 2015 révèle l’adaptation incomplète de la règlementation pour atteindre pleinement les objectifs d’un logement évolutif permettant la réversibilité d’une salle d’eau avec une douche ou de bain avec une baignoire pour faire face aux changements des situations ou mode de vie. Il réside encore des difficultés et des freins à prendre en compte dans sa totalité les besoins (nous n’évoquons même pas les aspirations) des personnes en situation de handicap et des personnes âgées dans cette pièce du logement si essentiel et si intime.

Cette disposition autorise la superposition de l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour (ou aire de giration) sur l’espace de douche sans ressaut ce qui peut engendrer des conséquences néfastes sur (la qualité de) l’usage d’une salle d’eau ou de bain dans certaines configurations.

En effet, dans le cas où une personne aurait besoin d’installer une baignoire en lieu et place d’une douche sans ressaut sur laquelle se superpose l’aire de giration, la salle de bain, si sa surface n’est pas suffisante, pourra ne plus disposer d’aire de giration interdisant de fait la possibilité de faire demi-tour.

Les personnes qui auront besoin d’une baignoire, à savoir potentiellement celles qui n’ont pas l’usage de leurs abdominaux, qui ont des pathologies musculaires ou neuro-musculaires sévères utilisant un fauteuil roulant ne pourront pas faire demi-tour dans la salle de bain interdisant de fait de fermer la porte à clé et les obligeant à sortir de la pièce à reculons !

De plus, dans certaines configurations, tout particulièrement dans les petites salles d’eau, l’installation d’un siège de douche dans une douche sans ressaut sur laquelle est superposée un espace de manœuvre avec possibilité de faire demi-tour peut en entraver l’usage.

Pour mémoire, le CNCPH rappelle que l’arrêté du 24 décembre 2015 a abrogé l’arrêté du 1er août 2006 dans lequel était précisé qu’« une salle d’eau doit offrir un espace libre d’au moins 1,50 m de diamètre en dehors du débattement de la porte et des équipements fixes ». Avant le 24 décembre 2015, il était donc possible de faire demi-tour dans une salle de bain puisqu’un lavabo étant un équipement fixe, l’aire de giration s’imposait quelle que soit la configuration de la salle d’eau ou de bain.

Le CNCPH regrette donc que l’article 13 de l’arrêté du 24 décembre 2015 (auquel en son temps le CNCPH avait émis un avis défavorable) ne fasse plus référence explicitement à l’aire de giration en dehors des équipements fixes.

Par ailleurs, l’Administration considère qu’une douche sans ressaut, ne provoquant plus d’obstacle à la roue, fait partie du cheminement et ne constitue donc pas un équipement fixe. (Voir Question/Réponse sur le site www.accessibilite-batiment.fr)

Néanmoins, le CNCPH considère que la conception d’une salle d’eau ou de bain doit permettre à tous, selon les intentions de la conception universelle, d’utiliser l’ensemble des équipements et prestations (porte, fermeture de porte, douche, lavabo, robinet, baignoire, siège de douche, etc.).

Il appuie d’ailleurs sa réflexion sur les travaux engagés par l’Administration sur la réécriture du Code de la construction et de l’habitation -auxquels le CNCPH a participé et participe encore- qui ont produit la définition d’un bâtiment accessible nouvellement introduite par l’ordonnance n°2020-71 du 29 janvier relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation. Cette ordonnance dispose qu’un bâtiment ou aménagement accessible à tous « permet à l’ensemble des personnes susceptibles d’y accéder avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux, d’utiliser les équipements, de se repérer, […] et de bénéficier des prestations en vue desquelles il a été conçu, quelles que soient les capacités ou les limitations fonctionnelles motrices, sensorielles, cognitives, intellectuelles ou psychiques de ces personnes ».

La disposition ajoutée à l’annexe 2 révèle donc bien la contradiction avec les principes de la réversibilité baignoire/douche sans ressaut dans certaines configurations et de celui d’un logement évolutif défendus par le CNCPH.

Si la douche sans ressaut sera incontestablement une avancée majeure, il est rappelé que des personnes en situation de handicap ont besoin d’une baignoire. C’est la raison pour laquelle le CNCPH a toujours défendu la notion de la réversibilité baignoire/douche sans ressaut. La réversibilité permet à chacun d’adapter la salle d’eau, par des travaux simples, sans intervenir sur le gros œuvre ce qui est l’esprit de la loi ELAN et des discussions avec l’Administration. La réversibilité implique de pouvoir transformer selon les besoins de l’habitant la douche en baignoire et vice-versa.

En l’état actuel du projet d’arrêté, quand la salle de bain disposera initialement d’une baignoire, la réalisation différée d’un espace de douche sans ressaut permettra de garantir l’accessibilité de la salle d’eau. A l’inverse, quand la salle d’eau sera équipée initialement d’un espace de douche sans ressaut, l’installation ultérieure d’une baignoire ne garantira pas l’accessibilité de la salle de bain si le concepteur a prévu de superposer totalement l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour sur l’espace de douche sans ressaut.

Le CNCPH a attiré également l’attention de l’administration sur deux autres points :

-la fonction de la hauteur de 1,80 m

Le CNCPH regrette que le texte ne supprime pas la hauteur minimale de 1,80 mètre d’une douche accessible. En effet, cette disposition autorise la conception d’espaces de douches avec une hauteur sous plafond de 1,80 m les rendant incompatibles avec l’utilisation d’un lève-personne, équipement de plus en plus exigé par les professionnels intervenant à domicile pour leur santé et le respect du droit du travail.

En outre, des professionnels de l’aide à domicile vont accompagner des personnes qui ont besoin d’une aide humaine dans la salle d’eau ou de bain dans un environnement déjà réduit sous un plafond de 1,80 m de hauteur ce qui est peu ergonomique et notamment pour les grandes personnes.

A la lecture du guide du CSTB, cette référence à la hauteur de 1,80 m correspond à la hauteur du volume de la douche pour l’étanchéité de la zone de douche et ne concerne absolument pas la règlementation accessibilité.

-Les usages attendus d’une salle d’eau ne sont pas suffisamment précis

Dans un contexte où la règlementation a pour objectif de répondre davantage à des objectifs de résultats, il importe au CNCPH de soigner le paragraphe relatif aux « usages attendus ». Si l’usage d’une salle d’eau est bien d’accéder à la douche ou à la baignoire, il est aussi et surtout de pouvoir se laver ; l’accès n’étant finalement qu’une condition nécessaire à l’activité pour laquelle la pièce est conçue. De plus, la salle d’eau ou de bain étant couramment perçue comme un lieu intime, l’habitant doit pouvoir fermer et ouvrir la porte et le cas échéant pouvoir la fermer à clé. Enfin, une personne doit pouvoir faire demi-tour dans une salle d’eau ou de bain.

Dans la mesure où la possibilité d’installation d’une douche sans ressaut dans les logements neufs visés par l’arrêté est une avancée majeure, le CNCPH émet un avis favorable avec les réserves suivantes :

  • Le CNCPH demande à l’administration de préciser qu’une salle de bain comportera une aire de giration si une baignoire est installée à la livraison. Le CNCPH propose d’insérer à l’annexe 2 de l’arrêté du 24 décembre 2015 un alinéa pour mentionner explicitement l’obligation de l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour en cas d’installation d’une baignoire à la livraison du logement. La rédaction pourrait être celle-ci : « L’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour est aménagé en dehors des équipements fixes à la livraison. » ;
  • Le CNCPH demande à l’administration d’organiser des travaux complémentaires :
  • sur le positionnement de l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour après l’installation d’une baignoire ou d’un siège de douche dans les salles d’eau,
  • sur la question de la hauteur de 1,80 mètre dans la salle d’eau.
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