Accessibilité des civic tech : quels engagements des acteurs ?

capture d'écran du replay de la table ronde sur les civic tech : les intervenants Pauline Veron et Axel Dauchez apparaissent, la transcription simultanée apparaît en haut de l'écran et l'interprétation LSF à droite

À l’occasion des 2èmes universités d’été du Conseil national consultatif des personnes handicapées à la Bibliothèque Nationale de France, table ronde du 22 septembre 2021 : Accessibilité des civic tech : quels engagements des acteurs ?
Avec la participation de Pauline Véron, co-présidente de l’association Démocratie Ouverte, et d’Axel Dauchez, président de Make.org
Échange animé par Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées

Table ronde du 22 septembre 2021 : Accessibilité des civic techs : quels engagements des acteurs ?

Jérémie Boroy : L’accessibilité des civic tech, quels engagements des acteurs ? C’est le titre de la table ronde qui nous réunis maintenant. Avec Pauline Véron, co-présidente de l’association Démocratie Ouverte et Axel Dauchez, président de Make.org. Ces deux acteurs qui sont avec nous et qui vont nous aider à comprendre de quoi on parle. Qu’est-ce que les civic techs et que faites-vous chez Make.org et chez Démocratie Ouverte ?

Axel Dauchez : Bonjour à tous. Merci de nous accueillir. Je suis le fondateur de Make.org. C’est une plateforme qui aide les pouvoirs publics à mettre en place de la démocratie participative, c’est-à-dire comment impliquer très largement les citoyens dans la définition et surtout dans la conduite d’une politique publique. Depuis très longtemps, on travaille sur des moyens d’engager beaucoup de gens car l’enjeu des civic techs, c’est d’engager des gens dans ce processus. Très rapidement, on a eu l’occasion de travailler sur le handicap, avec la grande cause du handicap. On a travaillé avec le CNCPH sur les critères d’accessibilité. C’est comme ça qu’est née cette idée de dire que les civic techs ne sont pas tous les acteurs qui font la même chose que nous. Ce n’est pas un secteur comme les autres. C’est un secteur qui finalement a une ambition d’être un outil au service de la démocratie représentative, un outil qui permet de renforcer la démocratie, ou en tout cas de protéger la démocratie en France. 
Si on pense à ça, il faut qu’on soit à la hauteur de nos ambitions. Si on pense qu’on est un outil essentiel, on doit se mettre à des critères d’exigence qui sont bien plus élevés que d’autres acteurs du numérique. L’accessibilité est devenue un point central. Finalement, on a un rapport à l’accessibilité qui est celui de notre ambition. Être un acteur de la démocratie, c’est être accessible à tous, sur un sujet aussi critique que la démocratie. Depuis cette réunion qui a commencé il y a un peu plus d’un an, avec notre association Démocratie Ouverte qui regroupe des acteurs comme nous, on a fait des groupes de travail pour essayer de définir cette ambition et surtout de la mettre en œuvre.

Jérémie Boroy : Démocratie Ouverte, qu’est-ce que c’est ? 

Pauline Véron : Démocratie ouverte est une association qui a pour vocation d’œuvrer, pour une démocratie plus ouverte en France mais on essaye aussi de travailler avec des partenaires européens. Une démocratie plus ouverte et plus transparente qui œuvre pour que les process de décisions, pour que l’ensemble des décisions qui sont prises par les politiques, soient le plus horizontales possible et sortir un peu de la verticalité du pouvoir parce que des décisions qui sont prises collectivement, en associant les citoyens, en faisant une démocratie participative vont souvent être meilleures pour les citoyennes parce que beaucoup plus correspondre à leur besoin et beaucoup plus partagées et acceptées parce qu’elles auront été partagées et co-construite avec les citoyens.  Pour cela, l’association Démocratie Ouverte utilise plusieurs moyens. C’est une association qui a vocation d’être tête de réseau d’un tas d’organismes comme Make.org ou d’associations ou de professionnels de la participation citoyenne, mais elle est ouverte aussi à l’adhésion des citoyens qui sont intéressés par ces questions. On essaye de faire remonter toutes les initiatives, de les valoriser, toutes les initiatives prises par les innovateurs démocratiques qui inventent des outils nouveaux : des budgets participatifs, le jugement majoritaire, la primaire citoyenne qui est en train de se déployer, ou d’autres outils comme ceux de Make.org. On essaye de les valoriser, de les faire connaître. On essaie de mettre en place dans les collectivités locales, on les accompagne dans la mise en place d’outils de participation citoyenne. On a créé pour cela un réseau de territoires innovants qui vont mettre en avant et valoriser un certain nombre d’outils qu’ils mettent en œuvre. On a aussi un labo dans lequel on teste de nouveaux dispositifs de participation citoyenne. On fait par exemple aussi des diagnostics de gouvernance pour accompagner des élus qui se posent des questions sur la façon dont ils prennent des décisions à tous les niveaux de leurs collectivités locales. 

Avoir une démocratie plus ouverte, c’est avoir une démocratie accessible à tout le monde. On a le souci de populations qui peuvent être éloignées de la participation pour des raisons géographiques, certains territoires ruraux, ou certains quartiers populaires. On a cette problématique en tête depuis quelques années. C’est aussi une question d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, de pouvoir participer au même titre que les autres à la démocratie. On travaille depuis quelques mois, et aussi beaucoup sous l’impulsion de Make.org et avec d’autres innovateurs démocratiques, à améliorer nos pratiques, pour que sur les plateformes numériques, dans les réunions qui réunissent les habitants, le sujet de l’accessibilité soit le plus possible pris en compte. On commence à travailler sur de plus en plus de projets. Par exemple, en ce moment, on a un projet d’indice de qualité démocratique qu’on est en train de designer. On a pris en compte la question de l’accessibilité dès le début de ce projet pour essayer vraiment d’améliorer nos pratiques sur ces questions et d’emporter toute la communauté d’innovateurs démocratiques.

Axel Dauchez : Le sujet est compliqué. La mise en œuvre est compliquée. Elle est aussi essentielle que compliquée et c’est grâce à ces deux tensions que nous allons y arriver. Nous quand on a basculé dans un dispositif accessible, il a fallu former toutes nos équipes de développeurs. On s’est fait aider, on a fait évoluer pas seulement le code, mais la manière de concevoir même le système pour qu’il puisse l’être. Cela a eu plein d’effets bénéfiques au-delà du handicap. C’est une structure de pensée, de développement qui met tout le monde, avec au centre le citoyen. Le citoyen qui qu’il soit, où qu’il soit, aussi éloigné soit-il de la démocratie. Cela nous correspondait assez bien car depuis le départ, la particularité de make.org, était de faire une démocratie participative dans laquelle on va chercher les gens et on n’attend pas qu’ils viennent. On a toujours eu l’ambition de d’aller sur une ville et de faire participer 20 % des habitants d’une ville. Pour nous, c’était assez naturel. 
Je voulais faire passer ce message, à quel point ça a été bénéfique, au-delà de la nécessité. Quand on est une jeune entreprise, une association, un innovateur démocratique qui est face à plein d’enjeux, ce n’est pas qu’une contrainte, mais une opportunité. C’est le message que je veux faire passer. Si on le fait, ce n’est pas seulement parce que c’est nécessaire et que c’est notre ambition mais parce que c’est la bonne manière de le faire.

capture d'écran du replay de la table ronde sur les civic tech : Jérémie Boroy et les intervenants Pauline Veron et Axel Dauchez apparaissent, la transcription simultanée apparaît en haut de l'écran et l'interprétation LSF à droite.
Table ronde sur l’accessibilité des civic tech du 22 septembre 2021 avec Jérémie Boroy, Pauline Veron et Axel Dauchez.

Jérémie Boroy : C’est vraiment le message qu’on souhaite faire passer. Il y a un sujet de mobilisation très forte au CNCPH. C’est la question de la participation des personnes handicapées. Pas seulement sur les sujets qui concernent le handicap, mais sur les sujets de la vie de tous les jours, les sujets qui sont dans le débat public pendant les élections mais également entre deux élections. Comme nous sommes engagés depuis de nombreuses années sur la question de l’accessibilité numérique, sur l’accessibilité de la communication de l’État qui maintenant fait l’objet d’une charte qui a été adoptée en Conseil des ministres, la question de l’accessibilité des campagnes électorales, qui implique les candidats, les médias audiovisuels, les organisateurs de scrutin mais c’est aussi l’accessibilité des médias. Nos relations avec le CSA qui ont débouché sur des dispositions législatives et sur des chartes. Mais on s’est aperçu très vite qu’il y avait un maillon de la chaîne qui manquait avec le développement des consultations en ligne, des plateformes, des applications qui sont censées faciliter, développer le lien entre les citoyens et les élus et faciliter sa participation au débat public. On s’est vite rendu compte que si nous ne faisions pas le nécessaire dès le départ, qu’on allait créer un fossé supplémentaire entre une catégorie de citoyen et le reste, alors que c’est une chance inouïe d’amplifier la participation des personnes qui, jusque-là, peuvent encore hésiter ou avoir du mal à prendre la parole. Merci d’avoir répondu à notre invitation pour qu’on puisse, si vous en êtes toujours d’accord, d’ici quelques semaines, formaliser nos engagements communs, et, comme on la fait avec d’autres acteurs, pour nous donner un prétexte de nous revoir régulièrement et mesurer les progrès accomplis. 
Sachez que du côté du CNCPH, nous répondrons présents autant de fois qu’il le faudra pour accompagner ceux qui voudront vous suivre et s’inspirer de ce que vous faites pour que dès 2022, aucun candidat à la présidentielle qui ferait appel à une des solutions de votre réseau ne soit pris en défaut d’inaccessibilité. Pour qu’en 2022, 2023, 2024, nous n’entendions plus au lancement d’une consultation publique par le gouvernement ou une collectivité que la chose n’était pas accessible. 
On a vraiment une responsabilité partagée dans l’histoire. Êtes-vous d’accord pour qu’on se revoie d’ici quelques semaines ?

Pauline Véron : On a commencé à travailler sur une charte d’engagement, sur un certain nombres d’objectif pour l’ensemble de la communauté des civic techs. Démocratie Ouverte et son réseau sont prêts à s’engager d’ici la fin de l’année pour que cette année 2022, qui commence avec des campagnes électorales, qui ont de forts enjeux pour les français, puisse être le plus accessible possible via les civic techs.

Axel Dauchez : Je suis très partant. 2022 est un moment clé. Mais la survie de la démocratie se joue aussi entre les élections. 2022, c’est le début d’un mandat. C’est dans les mandats que les changements se font.

Jérémie Boroy : Nous allons lancer notre Observatoire de l’accessibilité des campagnes électorales de 2022 car la loi nous confie désormais la mission de diffuser les recommandations aux candidats à la présidentielle pour que leur campagne soit parfaitement accessible et de veiller par ailleurs avec le CSA à ce que les médias continuent à jouer le jeu. Il nous semble qu’intégrer avec la montée en charge les civi tech dans cette mission d’observation pour que nous puissions le faire ensemble, si vous en êtes d’accord, serait un bon moyen de stimuler tout le monde. 

Pauline Véron : Avec plaisir.

Jérémie Boroy : Merci beaucoup. À très vite. C’est la fin de cette séquence. On se retrouve dans quelques minutes pour la table ronde suivante.