À l’occasion des 2èmes universités d’été du conseil national consultatif des personnes handicapées à la Bibliothèque Nationale de France, flash innovation du 20 septembre 2021 sur la communication alternative et améliorée (CAA).
Avec Sandrine Eifermann Soutarson, présidente du Collectif CAA ma voix mon handicap.
Jérémie Boroy : Vous avez toujours tout voulu savoir sur la communication alternative améliorée ? C’est le sujet de notre flash innovation avec Sandrine Eifermann. Sandrine, c’est à vous, merci.
Sandrine Eifermann : Bonjour à tous. Un grand merci à vous de m’avoir invitée. Je me présente rapidement je m’appelle Sandrine Eifermann Soutarson, je suis maman de trois enfants, dont une petite fille qui a un syndrome de Rett, une maladie génétique rare, qui fait qu’elle ne parle pas, ou très peu. Je suis aussi présente ici pour représenter le collectif CAA « Ma voix, mes droits ». Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous parler d’un sujet qui me passionne et que je n’aurais surement pas connu sans l’arrivée de ma fille dans ma vie. La communication alternative améliorée/augmentée, la CAA, est un univers tellement riche qu’il est très facile de s’y perdre. Une orthophoniste, que j’estime beaucoup, m’a dit un jour : « Sandrine, face à l’inconstance, il est facile de perdre confiance. » Je l’en remercie.
La communication alternative et améliorée consiste justement à donner des clés pour communiquer malgré une parole absente, voire instable. La CAA regroupe en fait, tous les outils qui permettent de créer du lien avec ceux qui nous entourent. De participer au sein de la société, et ainsi, nous autodéterminer en tant qu’être humain. La CAA me permet d’accéder à un monde qui m’échappe et pourtant, qui m’enrichit considérablement : celui de ces personnes que j’ai du mal à comprendre ; face à qui je me sens souvent impuissante, comme un trésor inconnu, et pourtant accessible grâce à la CAA. À travers des pictogrammes, des tableaux de communication, digitalisés ou non, des synthèses vocales, des commandes oculaires, des signes, mais aussi le regard, des mouvements du corps, les mimiques, etc. La CAA, c’est entendre pour la première fois son enfant dire : « Maman, je t’aime ! » ou « Maman, j’ai mal. » Mais c’est aussi voir l’accès aux apprentissages facilité, voire même envisageable. Oui même apprendre à lire, à écrire, à compter, devient possible !
Malheureusement, aujourd’hui, la communication alternative et améliorée est peu connue. Quand elle l’est, elle est entachée de croyances et de mythes, qui mettent en péril sa mise en place. Nombreuses sont les familles à se voir refuser la prise en charge d’un outil, d’une formation, car il faut que la personne apprenne à l’utiliser d’abord. Ou bien empêchées, parce que ça coûte trop cher : « Non mais Madame, excusez-moi, c’est la Rolls-Royce de la communication que vous demandez là », quand il s’agit de prendre une commande oculaire avec une tablette dédiée, à des tarifs effectivement un peu indécents pour nous, parents. Il faut savoir que dans certains pays européens, dès le diagnostic de l’enfant posé, il se voit remettre cet outil dit « Rolls-Royce de la communication ». Nous sommes dans le pays des Droits de l’Homme, alors pourquoi y a-t-il autant de difficultés à les appliquer ?
On n’est jamais trop jeunes, trop petits, ou trop déficients pour communiquer et apprendre. Nous, personnes en situation de handicap, pour comprendre ces personnes qui ne parlent pas ou qui parlent autrement, nous passons à côté d’une belle opportunité : de renforcer notre humanité. Oui, cela n’est pas simple tous les jours, cela demande beaucoup de formations, d’investissements, d’engagements, tous les jours montrer le modèle à l’autre pour qu’il puisse s’approprier ce langage différent. Nous devons sortir de notre zone de confort. C’est comme l’apprentissage d’une nouvelle langue en fait, que de parler avec une tablette ou un classeur. Mais sans cet effort, nous passons à côté du sens même de notre société. La CAA, c’est la liberté de s’autodéterminer. La CAA, c’est l’égalité des chances pour les apprentissages. La CAA, c’est la fraternité, essentielle au vivre ensemble pour donner ses lettres de noblesse à notre société. Il est temps de relever les manches et de faire connaître la CAA. C’est l’affaire de tous. Que nous soyons en situation de handicap ou non. Avec autisme, polyhandicap, maladie neurodégénérative telle que Alzheimer, atteint du Covid, ceux qui voient temporairement leurs voix s’éteindre. Mais aussi en classe, quand un enfant arrive et que tout le monde parle une autre langue que la sienne. Tant de situations différentes, où la CAA a toute sa place, mais surtout la plus importante, celle que je partage, celle de celui qui a l’opportunité d’interagir avec une personne utilisatrice de communication alternative et améliorée.
Aujourd’hui j’ai envie de vous dire : osons la CAA et mettons tout en place pour y parvenir, dès le plus jeune âge, pour qu’enfin la CAA ne concerne pas qu’une niche. Nous sommes, que nous le voulions ou non, des êtres interdépendants, à la recherche d’une vie la plus autonome possible, mais jamais, heureusement, totalement indépendante. C’est l’agence espagnole de la précarité qui le dit. Stéphane Hawkins, scientifique émérite, disait : « nous avons le devoir moral d’éliminer les obstacles à la participation et d’investir des fonds suffisants et l’expertise nécessaire, pour libérer l’immense potentiel des personnes en situation de handicap. Stéphane Hawkins était utilisateur de CAA. Merci.