Renforcer et garantir l’accessibilité de l’école

entrée d'une école, avec le drapeau français et la devis Liberté, égalité, fraternité sur le fronton.

contribution du CNCPH adoptée par l’assemblée plénière réunie le 21 juin 2024

Par cette contribution, le CNCPH souhaite confirmer sa vision sur la mission de l’école de la République et les enjeux des futurs pôles d’appui à la scolarité (PAS), et présenter ses propositions. Il avait déjà pris position lors de l’examen par le Parlement du projet de loi de finances 2024 qui prévoyait d’inscrire dans la loi les pôles d’appuis à la scolarisation. Après plusieurs temps de concertation impliquant régulièrement le CNCPH, une circulaire ainsi qu’un cahier des charges préfigurateur des pôles d’appui à la scolarité sont en cours d’élaboration.

Le comité interministériel du handicap du 16 mai dernier a précisé les contours des PAS. La préfiguration des pôles d’appui à la scolarité programmée à la rentrée scolaire 2024 dans plusieurs territoires constitue une première étape essentielle pour tester et évaluer ce projet avant de l’étendre plus largement.

Les pôles d’appui à la scolarité :

Les pôles d’appui à la scolarité font l’objet d’une mesure issue de la conférence nationale du handicap de 2023. Il s’agira d’un lieu physique d’accueil des familles. Ils se veulent une mise en commun de compétences et de ressources existantes pour accélérer l’accessibilité de l’école et favoriser la réponse aux besoins éducatifs particuliers des élèves.

Il s’agirait d’une réponse dite de « premier niveau » qui aura pour objectif de plus et mieux scolariser les élèves (accessibilité pédagogique, matériel pédagogique adapté, soutien pédagogique ou éducatif). 

Le PAS sera un interlocuteur des familles et des enseignants, des directeurs d’école ou chefs d’établissement. Tous pourront le saisir dans le respect des droits de chacun. 

Le PAS s’appuiera sur un binôme de professionnels : 
– un enseignant spécialisé, coordonnateur du PAS, 
– et un éducateur spécialisé. 

Il pourra faire appel autant que de besoin à des compétences professionnelles spécifiques (issues de l’Éducation nationale, du secteur médico-social ou libéral).

Pour l’année scolaire 2024-2025, 4 départements ont été retenus pour être préfigurateurs pour installer les 100 premiers PAS : l’Aisne, la Côte d’Or, l’Eure-et-Loir et le Var. La généralisation sera progressive jusqu’à la rentrée 2026. Une enveloppe annuelle de 400 M€ sera consacrée au financement de l’appui médico-social intégré aux 3000 PAS qui seront installés sur le territoire national.

La question de l’école « pour tous » a ceci de subversif qu’elle affirme la place des élèves en situation de handicap dans un système unique, au cœur des pratiques enseignantes. Elle participe à réinterroger les finalités du système éducatif. Elle crée une opportunité de montrer que tous les apprenants nécessitent la même attention, en conjuguant équité et ambition, dans un système qui se repense. 

L’école doit s’ouvrir à tous. Elle doit donc se rendre accessible à tous. Elle doit être en mesure de pouvoir répondre aux besoins spécifiques des élèves et à leurs choix, c’est-à-dire de leur permettre d’être des élèves à part entière, et non de simples visiteurs de l’école. 

Le comité des droits de l’organisation des nations unies (ONU) et le comité européen des droits sociaux sont autant d’instances qui nous rappellent les engagements que nous avons signés et l’ambition collective qui a été fixée. Leurs recommandations doivent être des boussoles collectives pour garantir les droits des élèves handicapés et de leur famille.

Il est utile de rappeler quelques principes auxquels le CNCPH est attaché au sujet de l’école :

  • tous les enfants ont leur place à l’école en tant qu’élèves ;
  • tous les élèves ont la capacité d’apprendre et de progresser ;
  • tous les élèves doivent être activement impliqués dans la vie scolaire, ce qui signifie non seulement être présents en classe, mais aussi participer aux activités périscolaires et aux instances de décision de l’école ;
  • l’accessibilité de l’école dans toutes ses dimensions (et en particulier didactique, pédagogique, curriculaire, …) dans une logique de conception universelle, est une nécessité, et une force au service de tous ;
  • la réponse individuelle aux besoins de compensation des conséquences du handicap est une obligation qui doit s’appuyer sur des compétences partagées, dans une dimension de coopération réciproque, pour sortir du cloisonnement ;
  • l’école dite « pour tous » n’est ni un privilège, ni un supplément d’âme, mais un droit reconnu par nos lois et les chartes et conventions internationales que nous avons adoptées, et non un droit à la marge.

Pour répondre à ces enjeux, une transformation de l’école et des finalités du système éducatif est nécessaire.

Les pôles d’appui à la scolarité dont la mise en place a été décidée à l’issue de la Conférence Nationale du Handicap d’avril 2023, peuvent participer à cette transformation. Ils doivent être une réponse aux élèves et aux familles d’enfants à besoins éducatifs particuliers, mais aussi une organisation agile venant en appui des équipes éducatives et enseignantes, au cœur des établissements scolaires. 

Le CNCPH s’attache à plusieurs propositions et points d’attention, afin de garantir l’équilibre d’une réponse consacrée en premier lieu à l’accompagnement de la mise en accessibilité des environnements scolaires (en particulier sur le plan pédagogique) avant des soutiens ciblés en direction des élèves.

S’agissant des missions des PAS :

Les PAS, en lien avec les équipes Mobile d’Appui à la Scolarisation (EMAS), doivent articuler des réponses pour scolariser plus et mieux, tant en direction des équipes pédagogiques que des élèves.

Les PAS doivent essentiellement participer au développement de l’appui ressources en accompagnant concrètement les acteurs au cœur de l’école, confortant l’universalité des missions de l’école de la République.

Selon les principes de subsidiarité (proximité des décisions, efficacité et compétence, autonomie locale), les PAS doivent :

  • faciliter et soutenir la mise en œuvre progressive de réponses spécifiques, en privilégiant des solutions internes à l’école, en mobilisant différents acteurs internes et externes dès que possible et au sein de l’établissement, plutôt que de recourir à des solutions externalisées pour traiter les difficultés ;
  • sécuriser les parcours des élèves en intervenant dès les premiers signes de difficultés pour éviter leur aggravation : ils doivent agir pour rendre l’école accessible en identifiant ce qui fait obstacle aux apprentissages ; ils procèdent pour cela à une évaluation des besoins de chaque élève en s’appuyant sur une expertise croisée des parents, des enseignants, des professionnels du médicosocial et si nécessaire de professionnels médicaux ou paramédicaux libéraux, pour apporter une réponse de proximité, rapide et adaptée, aux parcours des élèves ;
  • contribuer à l’identification et à la mise en œuvre de réponses à l’ensemble des besoins éducatifs particuliers tels que définis par la Déclaration de Salamanque de 1994.

S’agissant de la place et du rôle des élèves et de leurs familles ou représentants légaux :

Les PAS doivent recevoir et reconnaitre l’expertise des élèves et des familles, comme étant les premiers partenaires pour les parcours de scolarisation. Ils doivent les impliquer dans le processus éducatif et les informer régulièrement. Les familles doivent pouvoir être soutenues et accompagnées dans la compréhension, la formulation et l’expression de leurs besoins, attentes et demandes.

La place des familles doit être respectée, dès le début du processus avec le déclenchement à son initiative de la saisine initiale, mais aussi lors des différentes phases de validation des interventions, tout au long de l’intervention des PAS.

Les familles et représentants légaux participant (de façon éclairée) à l’évaluation des besoins (expertise croisée), toute intervention du PAS sera donc subordonnée à leur accord, dans le respect des Recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du Règlement général de protection des données.

À tout moment, si elle le souhaite, la famille ou le représentant légal pourra engager une démarche spécifique auprès de la MDPH.

S’agissant de la composition de son équipe :

L’équipe globale du PAS doit être composée de professionnels aux profils divers. Outre le binôme enseignant spécialisé / éducateur spécialisé, elle doit pouvoir mobiliser l’ensemble des acteurs de l’école, et plus particulièrement des enseignants spécialisés ressources, des psychologues scolaires, des orthophonistes, des ergothérapeutes, etc. Cette diversité permettra, par sa complémentarité, de répondre aux différents besoins des élèves et d’avoir une évaluation ajustée.

Le coordonnateur du PAS jouera un rôle pivot. Enseignant spécialisé, il ou elle doit être clairement identifiée par l’ensemble des acteurs. 

Le binôme constitué avec l’éducateur spécialisé, positionné au sein du PAS et formé aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles, doit permettre un travail de concert et s’élargir aux professionnels internes et externes à l’école, sollicités en fonction des besoins des élèves concernés.

Le coordonnateur du PAS sera utilement aidé par un gestionnaire des accompagnements humains pour organiser la répartition et les emplois du temps des AESH, dans la logique actuelle de l’organisation des PIAL. 

Il importe que les principes de mobilisation de professionnels médico-sociaux du périmètre du PAS et extérieurs à l’équipe mobile d’appui à la scolarisation (EMAS) fassent l’objet de conventionnements préalables entre l’EMAS et les organismes gestionnaires concernés. L’apport possible de professionnels en libéral, à la demande des familles, devra être précisé.

Ainsi, les PAS créeront les bases d’une école enrichie par une nouvelle pluridisciplinarité. Cette approche commune devra être intégrée dès la formation initiale et renforcée par des formations continues conjointes et croisées.

Les PAS seront tenus de respecter les professionnalités et les principes de l’inter métier. Les PAS, à l’instar des DAR, ouvrent un espace à la conjugaison de métiers et de cultures jusqu’ici juxtaposées et cloisonnées. 

S’agissant de l’organisation pratique :

Les PAS nécessitent d’être facilement accessibles et identifiés, dans une articulation claire avec les dispositifs existants, avec un maillage territorial garantissant une répartition permettant de couvrir toutes les zones, y compris les plus rurales. Dans cet esprit, l’installation des PAS dans des établissements scolaires est à promouvoir.

Leur saisine doit être simple et accessible aux familles comme aux équipes éducatives. 

Ils doivent pouvoir mettre en place des réponses concrètes rapidement, mais aussi veiller à ce que les réponses soient ajustées au fil du temps, offrant ainsi un suivi régulier et personnalisé. 

Le système d’information hybride, conjuguant des outils internes de l’Éducation Nationale comme le LPI, insuffisamment déployé aujourd’hui sur le plan national, avec la multiplicité des outils des établissements et services médico-sociaux, devra tenir compte des contraintes règlementaires et en particulier du respect du RGPD.

La prise en charge des frais de déplacement ainsi que de tout autre frais nécessaire à la réalisation des missions du PAS doit être prévue dans le budget de fonctionnement de ce nouveau dispositif, tant du côté médico-social que pour les professionnels de l’Éducation Nationale.

S’agissant de la gouvernance et des interactions avec les institutions :

Les PAS s’inséreront dans un système complexe, tout en respectant les prérogatives des différents acteurs et notamment l’opposabilité des notifications de la MDPH dans le respect des droits des familles. Ils doivent prendre appui sur des outils déjà existants tels que le GEVASCO, les documents de mise en œuvre, notamment PAP, PPS, … et le LPI pour déployer leurs interventions.

Les modalités de gouvernance auront ainsi à prendre appui sur une modélisation nationale ajustée en tenant compte des particularités territoriales.

Une présentation de l’organisation, de ses actions et des résultats de leur évaluation pourrait être faite régulièrement auprès du CDSEI (Comité Départemental de Suivi de l’École Inclusive) afin de garantir l’information, le suivi et l’implication de l’ensemble des acteurs concernés par la scolarisation (représentants des jeunes et des familles, collectivités territoriales, acteurs du médico-social, …) dans la poursuite de ce projet collectif.

S’agissant de l’évaluation :

L’évaluation continue du dispositif auprès des différents acteurs de la communauté éducative permettra de mieux outiller une future généralisation. Il serait judicieux de la confier à des acteurs spécialistes de l’amélioration continue de la qualité, intégrer des outils objectifs de type Qualinclus et des aides effectives à la planification, en y associant les élèves et leurs familles.