Scolariser en coopérant mieux 

des élèves dans une salle de classe, de dos, lèvent la main, une enseignante en arrière-plan fait face à la classe

contribution du CNCPH adoptée par l’assemblée plénière du 28 septembre 2022

Eléments de contexte 

En janvier 2018, le CNCPH a été saisi pour rédiger des propositions pour l’école inclusive dans le cadre du plan de transformation du système éducatif et médico-social. Une revue de questions accompagnait cette demande en pointant en particulier la nécessaire amélioration de la qualité de la coopération entre l’éducation nationale et le médico-social pour mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers des élèves en situation de handicap.

En avril 2018, le CNCPH adoptait en assemblée plénière un état des lieux de l’école assortis de recommandations pour avancer vers l’école inclusive. Une des parties aborde justement cet enjeu de développer et prolonger la logique de partenariats et de coopération, en insistant sur les points suivants :

  1. La nécessaire articulation entre les notions de partenariat, de plateforme de ressources, de transversalités et de coopération (D. n°2009-378) au service d’un projet ; 
  2. L’importance d’associer dans le principe de coopération à la fois les ESMS, le secteur sanitaire et les intervenants en libéral. En effet, le secteur médico-social n’est pas toujours présent partout et des réponses peuvent être apportées par des professionnels libéraux, il convient également de respecter le choix des familles. La combinaison des trois est souvent une réponse pour des situations complexes ;
  3. Cet appui constitue un moyen de compensation pour lui permettre de réaliser son parcours de scolarisation et son projet de formation. Il constitue pour partie une réponse à un défaut d’accessibilité de l’école. Il doit pouvoir s’organiser au sein des établissements scolaires afin de résoudre, entre autres, les problèmes de rythme de vie de ces élèves ;
  4. La coopération nécessite un pilotage efficace, avec des périmètres d’action, une architecture et des conventions clairement définis ;
  5. Enfin, dans cette nécessaire évolution des logiques de partenariats et de coopération, du fait de la centralité de l’école, la commission souhaite que soit envisagé, comme dans la plupart des pays européens, qu’un seul ministère unifié s’occupe enfin de l’ensemble des enfants et des adolescents dont ceux en situation de handicap.

La concertation lancée en octobre 2018, Ensemble pour l’école inclusive, a également abordé cet aspect dans les différents groupes de travail (Simplifier le processus de scolarisation, groupe expert coopérer dans l’école, créer des pôles ressources dans les établissements scolaires). Les conclusions sont remises aux ministres le 11 février 2019 (voir https://handicap.gouv.fr/sites/handicap/files/files-spip/pdf/30_dicom_ecole_inclusive_cooperer_dans_l_ecole.pdf ).

A la suite de la loi pour une école de la confiance, en juillet 2019, et afin de mettre en oeuvre ses articles 30 et 31, trois groupes de travail (équipes mobiles d’appui, extension du fonctionnement en dispositifs aux ESMS, fonction ressource des établissements et services) sont lancés en vue d’un chantier dédié à la coopération. Un seul se tient avant un arrêt total lié à la crise sanitaire. Il s’agit également de réécrire le décret de 2009 afin d’en actualiser le contenu sur la forme et le fond dans l’objectif de relancer la coopération et d’intégrer la fonction ressource (expertise auprès des équipes pédagogiques).

La DGCS participe et présente l’état des travaux en mars 2020, devant la commission de la nouvelle mandature. La commission émet des alertes. Sur le fonctionnement en dispositif : elle souhaite qu’une attention particulière soit apportée au choix des familles qui ne doivent pas être dépossédées de leurs droits et prérogatives, notamment dans le passage du milieu ordinaire vers le médico-social ou encore le choix du mode de communication. Il est rappelé que l’objectif de l’école est d’être inclusive. Le statut des unités d’enseignements (UE) et des unités d’enseignement externalisées (UEE) est questionné. Les modalités de recours doivent être étudiées et précisées tout comme la place et le rôle du PPS. Enfin la généralisation de ce type de fonctionnement suppose une organisation territoriale de l’offre médico-sociale, ce qui n’est pas le cas actuellement (le taux de scolarisation en milieu ordinaire est étroitement lié au taux d’équipement en ESMS, à trouble équivalent). Sur la coopération, la commission souligne que certaines familles font le choix d’un accompagnement en libéral (or, le décret ne concerne que le médico-social). Le précédent décret datant de 2009, il convient d’étudier les freins qui ont empêché une généralisation de la coopération.

Les travaux s’interrompent jusqu’à la présentation en commission d’un décret sur la coopération, sans concertation préalable.

En mai 2021, paraît la version 2 du cahier des charges des EMAS, et un décret « coopération » est présenté en commission. Le manque d’ambition est criant puisqu’il ne fait qu’entériner les expérimentations en cours. La motion adoptée appelle à une stratégie nationale 2022-2025 et souligne les enjeux déterminants. 

A ce titre, on peut notamment noter :

  1. Evaluer les besoins des élèves et les réponses apportées sur tous les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires ;
  2. Renforcer les logiques de parcours au service des projets, mettre en place différentes modalités de scolarisation, clarifier leur place et leur rôle, sans recréer des logiques de filières en silos ;
  3. Respecter le droit, le choix des familles et la reconnaissance de l’expertise parentale et d’usage ;
  4. Tenir compte des différentes modalités d’accompagnement (médico-social, libéral, sanitaire) ;
  5. Agir contre l’illisibilité des mesures et dispositifs : PCPE, PIAL renforcé, EMAS, communauté 360, commission d’affectation prioritaire, PAG : qui fait quoi, pour qui, à quel moment ? Aborder la question de la territorialisation ;
  6. Transformer l’offre médico-sociale pour être un appui pour une école inclusive et transformer l’école pour permettre l’appui médicosocial ;
  7. Réaffirmer le rôle des CDSEI dans le pilotage départemental ;
  8. Engager la refonte des annexes 24 ainsi que l’évaluation qualitative des dispositifs.

L’interpellation des ministres lors du CNSEI de novembre 2021 a permis de remettre sur les rails cet enjeu primordial. Nous avons proposé d’ouvrir une concertation avec un groupe de travail national qui pilote les réflexions, et travaille sur les évolutions réglementaires en associant les principaux acteurs à partir d’un calendrier de travail.

 Il s’agira d’engager des concertations sur trois thématiques :

  1. Diversité des modalités de scolarisation : besoins des élèves, droits des familles, expertise parentale et d’usage ;
  2. Clarification des dispositifs : qui fait quoi et répartition des responsabilités, pour quels objectifs, éviter les logiques de filières, identifier les impacts ;
  3. Les fonctions ressources (interne à l’éducation nationale et médicosociale) : formation conjointe, organisation, modalités de mise en œuvre.

Seule une dimension est actuellement abordée : les dispositifs intégrés. C’est une urgence vu le développement sans cadre national, mais aussi hélas un risque de passer à côté d’une réflexion globale.

Les enjeux de la coopération 

L’enjeu de la coopération réside dans la construction de réponses cohérentes et adaptées aux besoins des élèves, à leur projet et à leur parcours.

Il nécessite que des moyens soient clairement dévolus, il faut investir dans l’école et les manières de faire l’école pour tous les élèves.

Par coopération, on entend « toutes les actions visant le développement des relations avec les partenaires du territoire et les actions de coordination en faveur de l’accompagnement global du parcours scolaire de l’enfant ».

Cela implique « la concrétisation d’une solidarité fondée sur l’approche par les droits humains, la lutte contre les inégalités et la reconnaissance de responsabilités collectives ». Cette concrétisation va conditionner les parcours des personnes et suppose l’intervention d’une pluralité d’acteurs.

« Ce mode de coopération vise à définir des enjeux partagés […] et conduit à mettre de côté les intérêts particuliers de chaque acteur. Il permet de se concentrer sur la situation de chaque territoire, puis de la dépasser en prenant conscience de nos interdépendances. »

Il s’agit :

  • de sortir de la dichotomie réductrice “école ordinaire / milieu spécialisé” et de mettre en oeuvre une logique de réponse au parcours plutôt qu’une logique de place (place en ULIS, place en unité d’enseignement…) ;
  • de permettre à tous les élèves d’être scolarisés au plus près de leur lieu de vie en assurant une réponse adaptée à chacun ;
  • de systématiser le partage de l’expertise et des ressources entre les professionnels du médico-social, de l’Éducation nationale, du libéral et les familles pour construire ensemble une école inclusive ;
  • de mettre en œuvre les transformations nécessaires aussi bien du côté de l’éducation nationale (organisation, évaluations, programmes…) que du médico-social ;
  • d’accompagner les parcours pour éviter les ruptures (appui ressources du médico-social au service des équipes pédagogiques, partage de l’évaluation des besoins…).

Propositions du CNCPH

Pilotage

  • Renforcer le pilotage général en prenant appui sur l’articulation entre le CNSEI (pilotage national) et les CDSEI (pilotage territorial de proximité). 
  • Revoir la composition des CDSEI ainsi que les modalités de fonctionnement de ces instances.
  • Organiser la programmation des moyens (ARS, EN, collectivités territoriales) afin d’anticiper les réponses en termes de scolarisation en fonction des évaluations menées (par exemple, dans le cas des TND à partir des données compilées par les plateformes de coordination d’orientation) (cf projet de décret 2021).
  • Systématiser des conventions régionales entre les Rectorats (Éducation Nationale) et les ARS avec des fiches actions comprenant des indicateurs cibles. Elles doivent toutes s’appuyer sur des diagnostics partagés. Le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de ces conventions devront associer des représentants des associations d’usagers et des associations gestionnaires.

Formation 

  • Prendre appui sur les différentes initiatives de formations conjointes ou croisées déjà mises en œuvre pour les généraliser sur tout le territoire national.
  • Intégrer dans toutes les formations initiales et continues un module sur la question de la coopération et plus largement l’enjeu des partenariats.
  • Faire intervenir dans ces modules, les professionnels du médico-social, de l’éducation nationale, du sanitaire, mais aussi les parents et les personnes concernées.

Modalités de scolarisation

  • Appliquer le droit d’inscription à l’école pour que tous les élèves soient dans les bases élèves des établissements scolaires qu’ils fréquentent, quelles que soient leurs modalités de scolarisation. Pour les élèves scolarisés exclusivement en unités d’enseignement internes, ils doivent être inscrits dans la base élèves de leur établissement scolaire le plus proche de leur domicile qui constitue au sens de loi de février 2005 leur établissement de référence.
  • Faire évoluer les unités d’enseignement afin qu’elles soient portées par l’éducation nationale.
  • Garantir à chaque élève le droit de bénéficier d’un enseignement réalisé par un professionnel de l’éducation nationale ou de l’enseignement agricole.
  • Questionner les ULIS et la diversité de leurs modalités de fonctionnement (dispositif versus classe, critères d’admission, ULIS en réseau…). En finir avec les critères d’orientation opaques, à géométrie variable, qui se retournent contre les “plus vulnérables”. 
  • Se saisir de la “fenêtre démographique” (locaux libérés, effectifs en baisse…) pour permettre la diminution du nombre d’élèves par classe, permettre l’utilisation des locaux (salle de répit, salle pour les interventions de professionnels libéraux ou du médico-social) et promouvoir les expérimentations locales, tout en les encadrant et en les évaluant avant généralisation.
  • Réviser les annexes XXIV, le CNCPH a déjà fait des propositions en ce sens
  • Revoir et faciliter le régime des autorisations d’intervention en milieu scolaire. 

Parcours et place des jeunes et des familles

  • Garantir la mise en œuvre des adaptations et compensations en accompagnant leur mise en œuvre et en les rendant opposables.
  • Proposer des modalités de scolarisation souples et diversifiées selon les besoins de l’élève et les souhaits exprimés par les familles.
  • Fluidifier les parcours en s’appuyant sur un fonctionnement médico-social en dispositif clarifié (logique territoriale et inter-opérateur) et des articulations avec l’éducation nationale repensées, en respectant toujours le droit des familles.
  • Créer un cadre national homogénéisé pour permettre les interventions par des libéraux pour les familles qui ont recours à ce mode d’accompagnement.  
  • Offrir un cadre d’élaboration et de co-construction du projet associant toutes les parties prenantes, en reconnaissant l’expertise des parents et des jeunes. 

Cette contribution constitue un cadre permettant l’intervention des représentants du CNCPH dans les concertations en cours et à venir. Elle n’a pas vocation à traiter l’intégralité des sujets. D’autres contributions, spécifiques, le permettront.